Un des premiers vols, l'équipement électrique n'est pas encore monté, printemps 2003.
J'avais réalisé les deux premiers vols du prototype (celui de Guy en version 5m70) qui s'étaient très bien passés en plaine et c'est vraiment en toute confiance que j'ai lancé mon Foka à la pente: erreur! Inertie encore accrue, le stress très vite présent et les deux premiers vols se sont soldés par deux atterrissages au trou. En fait il m'a fallu assimiler le pilotage de cette machine et affiner quelque peu les réglages avant de pouvoir voler sereinement.
Voici les caractéristiques de mon Foka, confirmées par plus d'1 an et demi de vol :
Surface (dm²) | 169 |
Allongement | 21.0 |
Masse (g) | 12400 |
Charge alaire (g/dm²) | 73.4 |
Calage aile sur fuseau (°) | 2.0 |
Calage stab sur fuseau (°) | 1.4 |
V longitudinal géométrique (°) | 0.6 |
Vol de stab | 0 |
Centrage en % de la corde moyenne | 45 |
Marge statique en % | 10.8 |
Ces réglages correspondent à des types de vols ou la machine peut être très loin du pilote: donc le test classique du piqué donne un planeur qui remonte légèrement, ceci afin d'éviter les survitesses. Du coup le Foka oscille assez sensiblement en tangage (manche bloqué !). Au niveau pilotage, il est possible de réagir de deux manières face à ce comportement:
Pour le reste j'ai très peu de débattement à la profondeur, un différentiel ailerons de l'ordre de 60% avec de l'exponentiel, et de très gros débattements dérive.
Le programme sur la radio est très classique, j'utilise toutes mes gouvernes d'aile (4 !) en fonction ailerons,avec un peu plus de débattement sur les gouvernes extérieures. J'ai défini 3 phases de vols commutables par un inter 3 positions, une classique qui sert tout le temps, une qui met le moteur (avec ajout de débattement à la profondeur) et une qui sert de mode dégradé: toutes les gouvernes ont un débattement maximal compatible avec la tringlerie mécanique. Ce mode est sensé m'aider à ramener le planeur en cas de défaillance d'un servo en vol. J'ai eu cette idée avec mon ami Patrick lorsque un servo d'ailerons a rendu l'âme un jour de tempête sur un grand planeur: les réglages favorisant le différentiel font qu'il est impossible de tourner du côté du servo mort et nous avons bien failli tout casser à l'atterrissage. Depuis je m'en suis servi une fois sur le Foka et j'espère bien ne pas avoir une seconde fois à l'utiliser!
Autre sécurité, la sortie des AFs, quel que soit le mode de vol, est prioritaire sur les gaz et coupe le moteur.
Caen 2003, planeur complet avec son hélice et tout qui va avec.
En premier, et c'est une grande satisfaction, il m'est tout à fait possible de le lancer seul à la pente. En cas de décollage turbulent, peu venté ou trop plat, je me fait aider. Une charge alaire de 73 g/dm² sur un planeur de 6m: c'est vraiment léger.
De part cette charge alaire et le profil retenu (une évolution calculée par M. Scherrer de 3,3% de cambrure) ce planeur est une machine de petit temps. Il est à l'aise dans les tous petits dynamiques et dans tous les cas ou il possible de trouver des thermiques pas trop étroits. Il accélère très peu, ne restitue pas beaucoup et manque de vivacité en roulis. Du coup par conditions turbulentes, grand vent ou petits thermiques teigneux, le Foka n'est pas à l'aise. En fait les ordres à la dérive et aux ailerons le freinent beaucoup. Typiquement une mise en virage ou en spirale fait perdre pas mal de vitesse ou d'altitude. Donc il ne faut donner des ordres que quand l'aérologie s'y prête.
Une fois ces paramètres intégrés, on se retrouve avec un planeur qui est exigeant en pilotage mais qui est un grimpeur remarquable. On le visualise très bien et malgré ces capacités de transition peu marquées, on se retrouve facilement à enrouler des pompes très très loin du décollage, que ce soit en pente ou en plaine.
La grande plume entre ciel et nuages.
Un truc que j'aime bien est que les ailes sont assez souples et rendent très bien ce que traverse le planeur. En général, le Foka permet de matérialiser visuellement beaucoup d'aspects du pilotage, ce qui permet de le piloter avec précision.
Au niveau qualités de vol, le décrochage ne prévient pas franchement, si ce n'est par une attitude assez cabrée avant qu'il ne s'enfonce. Je n'ai pas constaté de départ en autorotation sauvage, et un point que j'affectionne beaucoup est son absence d'hystérésis sur la profondeur. Même après avoir séjourné pendant de longues secondes au voisinage du décrochage, un ordre à piquer est immédiatement pris en compte avec une accélération sensible.
Ce point est très sécurisant car il permet de se battre en thermique sans trop d'arrière pensées. Mon LS4 en 5m ne se comporte pas ainsi et demande une marge de sécurité bien plus grande en faible vitesse. Je pense que ce comportement est du au bon comportement du profil d'aile à cette échelle mais aussi à celui du stab (un MG05)! Ca fait longtemps que je milite sur les pentes pour remplacer l'archaïque Naca009. Après avoir essayé les Selig 8020 et 8025 puis le MG05, je peux dire que ces 3 profils sont bien plus agréables à la profondeur que le Naca. Les départager est une autre histoire...
Une autre caractéristique importante est que le Foka est instable en spirale pour des inclinaisons supérieures à 15°: il a tendance a resserrer l'inclinaison tout seul. Comme dans tous les cas c'est un engin qu'il faut absolument piloter 3 axes, ce n'est pas gênant, sauf quand je pilote en monomanche pendant les cross ou il faut que je fasse attention à enrouler très large.
Pour l'atterrissage, j'ai remplacé très rapidement les AFs initialement de 370 mm pour installer à la place des 620mm. Lorsque je les utilise, je braque les ailerons simultanément vers le haut. J'ai ainsi un très bon taux de chute sans accélération, le différentiel des ailerons est débrayé dans cette configuration se qui me donne un bon contrôle en roulis. Ceci fait que je suis plus à l'aise pour poser ce 6m20 de 12kg5 en pente que mon 4m électrique! L'action conjuguée des AFs à lames et des gouvernes d'ailes est le top pour faire des atterrissages de précision.
Bon, on sait que c'est un bon planeur, je rappelle que j'ai fait les réglages initiaux sans monter la partie propulsion. Les mesures au sol m'ont donné 2100W soit plus de 160 W/kg. Cette propulsion est en fait assez impressionnante car elle communique au Foka des taux de montée de 6m/sec sur plus de 200m de dénivelée (30 sec moteur pour 200m, mesures faites avec mon altivario) Je dispose ainsi de 4 grosses montées avec un pack de propulsion complet. Généralement je n'utilise pas toute cette autonomie car je pose bien avant d'avoir fini le pack.
En plaine, l'électrique me permet de rester en l'air très longtemps: je fais un petit remorquage avec un largage pas forcément haut et en pente je peux tester des configurations de site ou d'aérologie non standards en plus de la fonction 'anti trou'... Par exemple, une situation classique en montagne: cet été à Port de Bales, 1800m dans les Pyrénées. Une petite brise montait de Nord et imposait les décollages sur le versant Nord. Par contre les thermiques matérialisés par nos copains vautours fauves étaient sur l'autre versant en Sud. Donc un petit lancer sur le versant à l'ombre, 10 sec de moteur pour passer la crête et changer de vallée et ensuite des plafonds de folie sans utiliser le moteur! Vas faire ça sans un planeur électrique...
Il est en fait très courant lorsque je vole en pente de poser mon planeur en ayant juste utilisé quelques secondes de moteur pour tout un vol: elles m'auront juste permis de prendre une altitude de sécurité ou de me déplacer horizontalement jusqu'à la zone qui fonctionne bien. On peut reproduire les mêmes type de vols avec n'importe quel planeur électrique de la classe des 4m. L'électrique sur une grande plume, c'est le meilleur moyen pour voler partout!
Le devis de puissance favorable et le très bon taux de montée au moteur m'a donné l'idée de construire un chariot pour effectuer des décollages autonomes. Pour ceux que ça intéresse, c'est ici.
Ainsi ce Foka est un mariage très réussi entre une cellule de gratteur et une propulsion extrêmement performante. On commence maintenant en France à rencontrer des grands planeurs électriques mais lorsque j'ai démarré l'étude de ce planeur en 2001, on manquait sérieusement de données et d'expérience collective sur ce genre de machines.
Caen 2003: derrière le remorqueur, comme tout le monde!
Par rapport au cahier des charges, le résultat est réussi, principalement sur les aspects respects du devis de poids et vols lents. A ce sujet, c'était la première fois que volaient ces profils de M.Scherrer et il a été enchanté de pouvoir piloter à plusieurs reprises ce planeur! Quand les conditions forcissent, ce planeur est bien moins agréable à piloter, sa finesse à haute vitesse n'est pas bonne du tout. On voit bien ici la notion d'échange qui caractérise toute conception: les gains effectués sur les basses vitesses (et pouvoir lancer seul ce planeur de 12kg5 est une bonne référence) engendrent un comportement moins bon dans le reste du domaine de vol. Ici c'était exactement ce qui était recherché.