par Guy Lévite
Comme Jean-Luc le suggère dans la première partie de son article, je prend le relais pour un instant, histoire de vous raconter les premiers vols du Foka 5.
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Le Foka 5 de Guy, le jour de son premier vol au CMCP, près de Pontoise.
Pour commencer je dirai que le vol commence à l’atelier ou les préréglages et vérifications sont effectués.
S’agissant d’un profil que j’utilise maintenant sur les grandes plumes de performance depuis plusieurs années ( Selig 4233), le centrage sera pour le 1er vol à 37% de la corde moyenne et non pas de la corde d’emplanture. Ceci est fait très minutieusement car c’est ce centrage qui va servir de base pour les réglages en vol.
Ce que j’appelle l’équilibrage est en fait de donner au planeur le même poids sur chaque aile de manière à ce que celui-ci soit en équilibre sur sa roue à l’arrêt. Cela ne veut pas dire que sur la balance que chaque aile aura le même poids. Si pendant la construction vous chargez plus une aile au saumon et l’autre à l’emplanture, vous pouvez avoir le même poids final mais pas réparti de la même manière. Le planeur aura tendance à partir du côté de l’aile la plus lourde.
Ce genre de planeur a une inertie importante par rapport à un planeur normal genre 4 m et 4 à 5 kg. Lors de la phase de décollage, il faut une vitesse certaine pour que la machine prenne son essor au lieu de tomber comme un objet quelconque. Les calculs donnent des vitesses de décrochage et des nombres de Reynolds à respecter.
Avant chaque premier vol, je vérifie que le poids de la machine finie est conforme aux calculs théoriques du départ. Pour ce qui est du Foka le poids de départ est juste inférieur à 12 kg pour un charge alaire de 78 gr/dm² ( Plus d’un kilo de plomb pour obtenir ce centrage).
Ce point est important car il touche la sécurité. Donc toutes les connections sont vérifiées, les articulations et autres chapes et rotules sont auscultées avec le plus grand soin. La fixation des servos, le passage des fils dans le fuselage et leur fixation sont contrôlés. La double alimentation est de rigueur et les batteries sont vérifiées par des charges et décharges contrôlées avant d’être montées dans le modèle.
Je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’un planeur de 12 kg à 60 km/h est dangereux lorsqu’il n’est plus contrôlé.
Les débattements de départ sont les suivants : ( les côtes sont prises au bord de fuite des commandes et à la plus grande corde)
Ailerons : Pas d’exponentiel mais un bon différentiel, + 35 mm -10 mm
Profondeur : Pas d’exponentiel, pas de compensation pour les AF, 20 mm à cabrer , 17 mm à piquer
Direction : 35° de chaque côté
Tous ces réglages et vérifications étant effectués, direction le terrain.
Nous avions choisi de faire le premier vol en remorquage car c’est une activité que nous pratiquons depuis longtemps et ou nous nous sentons à l’aise.
Donc c’est avec l’aimable permission du CMCP, club modéliste de Cergy-Pontoise, que nous nous retrouvons en ce Samedi de Septembre sur la piste. Le Foka 5 est monté en quelques minutes et nous préparons le remorqueur ( 2,50m d’envergure et moteur essence 60 cc, du sérieux quoi !).
Jean-Luc prend les manches du planeur et moi ceux du remorqueur. Démarrage de l’attelage et au bout de 10 mètres de roulage le Foka 5 est déjà en l’air et bien stable derrière le remorqueur ; je le sens à peine. Montée, 1ere branche, altitude environ 50 m et largage en catastrophe; le remorqueur est perturbé par des parasites moteur. Jean-Luc a décroché, je me pose le plus rapidement possible pour pouvoir voir MON FOKA . Ceci me permet d’admirer la spirale qu’entame Jean Luc à 50 m du sol alors qu’il ne connaît ce planeur que depuis quelques instants. Le sentiment de facilité, les trajectoires, pourraient nous faire penser qu’il le pilote depuis une saison. La faible ascendance ne suffit pas pour faire un gain d’altitude et donc il faut se poser. Essai des AFs ; ils sont sortis mais il faut attendre un peu pour sentir leur efficacité. Pour les ailerons c’est un peu pareil, pour la profondeur idem. Pour la dérive RAS ça marche. L’inertie est bien là !! Le centrage avant aussi.
Dernier tour de terrain à 10 m d’altitude et là le planeur ne descend plus !!! J’ai un F3J de 5,6m.
L’atterrissage est fait sans secousse avec un grand réalisme. Premier bilan : il vole. Deuxième bilan : il vole bien. On sent quand même que le centrage de départ est un centrage pépère, pas de risque. Vérification des commandes : RAS. On repart pour le deuxième vol, le remorqueur semblant être redevenu normal. Le décollage se fait sans problème et malheureusement à 50 m d’altitude le remorqueur redevient incontrôlable et finit sa vie par un piqué vertigineux qui ne lui laisse aucune chance d’être réparé. Le Foka 5, égal à lui-même, refait un vol sans histoire mais qui ne nous apporte aucun renseignement par rapport au premier, nous n’avons pas osé faire le test de centrage ni même celui du décrochage. Ce sera pour les prochains vols.
Retour à la maison en attendant une fenêtre météo favorable pour tester la bête à la pente.
Les restes du remorqueur (plans et construction perso aussi mais c'est une autre histoire...)
Mi-Novembre, vent de NE 15 à 20 km/h, beau temps. C’est le moment de partir sur nos immenses sites de 80 m de dénivelé pour faire sentir au Foka 5 l’ivresse du vol de pente ( j’ai toujours en tête la pente de CORPS durant Soaring 2002). Notre site de vol, s’il n’est pas grandiose, à le mérite d’avoir un excellent rendement et aussi la possibilité d’aller se vacher sans trop de bobos.
Ce jour là il y a du monde sur la pente ce qui m'a permis de trouver un lanceur en la personne de notre président. Prise en main, course en direction du trou, dernière impulsion et voilà l’oiseau dans son élément. Il part droit sans aucune correction et prend tout de suite une trajectoire ascendante (on se croirait dans un compte-rendu de revue spécialisée). La dynamique est au rendez-vous. Je le laisse continuer tout droit et il continue de monter. Je suis dans une ascendance tout de suite sans avoir à chercher. Quel bon présage! Je le laisse monter en enroulant tout à mon plaisir de pouvoir enfin le piloter moi-même. Après quelques minutes je suis à une altitude confortable ce qui va me permettre de confirmer un centrage très avant. Au test du piqué après 50 mètres de descente, je relâche le manche de profondeur et instantanément le planeur amorce une montée digne d’un multi dans une figure ascendante. Le bougre monte, monte puis commence à ralentir. Une action à piquer sur la profondeur le remet en ligne de vol. C’est la première fois que j’ai un planeur qui restitue autant. Pourtant mon ASW 15 marchait bien, mais là, je suis dans un autre monde.
Deuxième test : le décrochage. Là encore j’ai été surpris par la réaction de la machine. Vol droit face au vent, action à cabrer sur la profondeur. Le planeur monte comme s’il avait un moteur dans le nez et après un long moment consent à ralentir puis s’arrêter. Il part à plat et s’enfonce d’une dizaine de mètres puis reprend sa trajectoire. Merci pour l’équilibrage des ailes à l’atelier. Aucune tendance vicieuse à décrocher. Il faut dire que jusqu'à maintenant je ne l’ai jamais senti partir en décrochage sans l'avoir provoqué sciemment.
Le troisième test, qui n’en est pas vraiment un : une boucle. Le planeur prend de la vitesse en piquant puis action sur la profondeur et là encore une fois, c’est SUPERBE !!!. Le voilà qui relève le nez doucement et entame une boucle ample à vitesse constante toute en douceur. La boucle demande une petite correction aux ailerons, peut-être un léger défaut au niveau des ailes, qui ne se sent pas en vol rectiligne plat, ou un départ de boucle pas tout à fait face au vent. Donc, les ailes plient mais sans exagération. Ceci me rassure car j'ai retenu pour la construction une formule plus simple que celle de Jean Luc et qui m'a été communiquée par Jean Pierre Voisin: des épaisseurs dégressives de tissus de fibre de verre tout le long de l'envergure et pas de longeron.
Revenons au vol: je ne me suis pas rendu compte que les conditions météo baissaient et que seuls, à la fin du vol, n’évoluaient que des planeurs de 2 m genre lancer main. Cette remarque m’est faite par mon copain Vincent qui suit ce vol avec intérêt ; c’est lui l’initiateur du projet.
Je suis tout à mon plaisir de faire voler le Foka: passage bas, passage lent etc… Au bout de 45 minutes je me décide à poser. Le moment est stressant car, comme en plaine, il est difficile de le faire descendre. Dès que j’essaie de piquer il prend de la vitesse et efface toute la zone d’atterrissage AFs sortis sans perdre d’altitude. Mes autres planeurs ne le faisaient pas !! Donc après moults essais je suis en position pour me poser et à 50 centimètres du sol je commence l’arrondi et là, ho stupeur! le voilà qui percute la planète comme l’aurait fait un débutant lors de son premier atterrissage. Je suis un peu gêné car tout le monde me regarde.
Heureusement il est solide: une petite fissure au niveau de la cassure de verrière, c’est tout.
Il est temps d’analyser ce vol. Il vole sans à-coups, c’est à dire qu’il est calme et pour le bouger il faut de grosses rafales de vent. Ce doit être dû à sa masse, son inertie. Ce phénomène est nouveau pour moi. Je vole depuis 5 ans avec un Marianne de 5 mètres et je n’ai pas cette sensation : c’est un modèle réduit. Le Foka est près de la réalité. C’est un modèle grandeur de petite taille. Lorsque j’ai voulu arrondir je ne sentais pas ce phénomène donc j’ai piloté comme avec un modèle réduit ; j’aurai du commencer à arrondir bien avant. C’est en forgeant...!!! Vous connaissez la suite.
Pour ce qui est des commandes je les trouve homogènes, sauf les ailerons qui sont de type « perfo ». Pour les adeptes des tonneaux rapides ce n’est pas la bonne dimension. Les miens sont conformes au vrai. Ils suffisent pour la perfo mais pas pour la voltige. Le différentiel est obligatoire, grand allongement oblige. Le pilotage est obligatoirement 3 axes sur ce genre de machine. Ce qui est surprenant c’est l’efficacité de la dérive. A elle seule elle suffit presque à faire changer le planeur de trajectoire, comme un deux axes avec dièdre. Il suffit de l’assister un peu à la profondeur.
Bien sûr il faut enlever du plomb. On va en retirer 300 gr pour un premier essai.
Si si! Il vole encore, mais juste pour quelques secondes...
On repart au trou avec 300 gr de moins et un réglage de profondeur modifié à piquer. Même départ mais cette fois le vent commence réellement à faiblir. Je fais du rase pente, le planeur est un peu plus vif, un peu plus maniable. Je commence à regarder ou je vais aller me vacher. Je devrai avoir plus confiance dans la machine car elle a beaucoup de finesse. Je pars loin le long de la pente et là récompense! A environ 800 mètres de notre point de départ j’accroche une ascendance qui me permet de me remettre au dessus de l’horizon en quelques instants. Là ,je vous l’affirme, vous êtes très content et soulagé. La taille du planeur permet d’aller chercher loin les ascendances et les qualités de finesse vous permettent d’y aller. Voilà comment je conçois le vol à voile pour nos modèles. Le reste du vol est sans problème et j’ai passé les commandes à Vincent pour qu’il puisse avoir un avant goût de ce que sera sa maquette. Il est surpris de la facilité de pilotage. Moins tu y touches, mieux il vole, dixit Vincent.
Il faut penser à se poser. Donc tours de terrain à vitesse de plus en plus réduite, j’arrondi bien plus tôt que la première fois et après 2 essais je touche le sol d’une manière normale.. Le planeur est posé sans incident. Il est temps de rentrer.
La dernière séance de vol a eu lieu en Janvier de cette année. Au vue des photos, vous pouvez voir que la température était en dessous de zéro. Quand on aime on ne compte pas … les couches de vêtements pour aller à la pente !
Brrr! Un petit vent de NE sympa... Le sol est entièrement gelé et demande beaucoup de prudence pour poser.
C’est avec 200 gr de plomb en moins que le Foka prend l’air ( la bête a maigri de 500 gr depuis le premier vol, ce qui ramène la charge alaire à 75 gr au dm²). Le vent est là. Pas besoin de courir trop pour que la machine prenne l’air. Le planeur est dégrossi maintenant et les départs sont sans histoire. Arrivé au milieu du trou, le Foka me fait signe qu’il a détecté une ascendance en levant la queue ( oui, je sais, mais s’il vous plaît pas de plaisanterie déplacée !!) et en ralentissant de manière franche. J'enroule ma première ascendance de l’année par –10° en Haute Normandie. Il a encore gagné en maniabilité du fait du centrage plus arrière, mais il y a encore de trop de plomb. Il va falloir que je décolle une partie du plomb inamovible que j’avais mis pensant que 500 gr de réglage suffisaient !
Les débattements, exponentiels et mixages divers sont les mêmes que ceux définis à l’atelier. Je n’ai rien eu à modifier.
Ma principale impression est que la performance est accrue dans tous les domaines de vol par rapport à mes autres planeurs. On se rapproche de la réalité, par contre il faut beaucoup plus anticiper.
Pour conclure je dirai qu’avec le Foka 5 je découvre une autre dimension dans l’univers du planeur radiocommandé. Celle du réalisme où les machines volent à des vitesses réalistes par rapport à leurs dimensions. On peut aller chercher loin les ascendances, la taille du planeur vous permet de bien le voir, et la finesse vous permet de parcourir de grandes distances sans perdre trop d’altitude.
Pour la suite des commentaires des vols: rendez vous pendant l'été 2003 avec les 3 machines terminées!
Par Guy Lévite, Février 2003.