Ce serait plutôt dans mon cas 'réalisation puis calcul du longeron'. En effet j'ai d'abord réalisé mon longeron en bénéficiant des conseils de nombreux modélistes, puis tout dernièrement j'ai commencé à décoder les arcanes de la résistance des matériaux, ce qui me permet aujourd'hui de vous proposer quelques calculs sur ce sujet.
Le principe de mon longeron est illustré sur le dessin suivant:
La réalisation de longerons carbone a déjà été décrite sur le web, par Jacques, Olivier, Philippe, Alain... et il existe aussi de nombreuses descriptions chez nos voisins Allemands et surtout sur des sites US. Voici donc ma contribution à l'expérience collective avec quelques nouveautés que vous découvrirez plus loin!
Avant de continuer plus loin, quelques remarques et précisions:
Merci de lire entièrement ce chapitre avant de se jeter sur la feuille de calcul et de conclure qu'elle est incompréhensible ou pire ...
Document joint: feuille de calcul Excel: determination_longeron
Il faut commencer par saisir la géométrie de l'aile. J'ai prévu 4 trapèzes. Si l'aile à étudier comporte un seul trapèze, je conseille de la découper afin de pouvoir affiner le calcul (Ceci permet de faire un zoom sur la boîte à clés d'aile par exemple) . Ne pas oublier de renseigner la largeur du fuselage qui permet de calculer l'envergure totale.
Ensuite saisir les données de masse (estimations!), le constituant des semelles et des flancs ne sert pas pour le calcul, par contre il est très important de renseigner exactement l'épaisseur d'une couche. Ainsi un ruban UD de carbone 170g/m² fait 3/10 d'épaisseur (une fois stratifié) et une chaussette carbone 300g en fait 5/10. En fonction de ces matériaux, se servir des commentaires pour renseigner les différents paramètres spécifiques à la RdM, attention de faire la distinction entre de l'unidirectionnel et un tissage!
Il reste ensuite à saisir les Cz minimum et maximum du planeur ainsi que la vitesse de rafale maximale admissible. Tous ces paramètres servent à déterminer le nombre de g avec lequel sera calculé le longeron. Le principe est le suivant: le planeur vole à vitesse maximum (donc Cz min) et le pilote donne un grand coup de profondeur (planeur perdu de vue...) et manque de bol à ce même instant le planeur subir une rafale verticale de n m/sec (gradient de vent: thermique, cisaillement) Ainsi à ces valeurs correspondent deux facteurs de charge, le calcul se fait en prenant tout, mais il est possible de minimiser un des paramètres du calcul. Dans la réalité, on ne fait pas du tout comme ceci: lorsque l'on calcule un longeron pour un avion léger (ULM) le cahier des charges doit répondre à un ensemble de normes très détaillé fixant entre autres les limites structurales en vol stabilisé, sous ressource, à l'atterrissage ainsi que le facteur de sécurité à rajouter ou plutôt multiplier au calcul... Typiquement un résultat final tourne entre -3 / +6g.
Le dernier champ du tableau en saisie définit l'épaisseur de revêtement. il permet d'en déduire la hauteur maximale du longeron (en fonction de l'épaisseur relative du profil). Les calculs qui suivent considèrent donc que le longeron est placé à l'épaisseur maximale du profil, et ce sur toute l'envergure. Ceci n'est pas toujours ce qui est souhaité, c'est pourquoi il est toujours possible de remplacer manuellement dans le tableau de droite les valeurs du champ 'hauteur de longeron' . Dans la même idée, on peut envisager une largeur dégressive, à réserver au rois du moulage, et ainsi dans ce cas renseigner le champ 'largeurs des semelles'
Dans le tableau de gauche viennent donc ensuite deux petites constantes classiques qui permettent juste de rajouter un peu de visibilité dans les calculs. Enfin, si vous voulez faire du DS sur Vénus, il faudra changer ces valeurs.
Plus bas, après quelques résultats tout simples, on tombe sur la charge totale sur l'aile (en Newton, pour avoir des kgs, diviser par 10!) Ensuite je propose un moment maximal qui doit correspondre à une charge rectangulaire sur l'aile, ce qui n'est généralement pas notre cas. J'utilise en fait une répartition de charge parabolique et comme cette formule donne un moment maximal plus faible que le précédent, j'utilise un petit facteur correctif! Cette manière de procéder peut paraître assez cavalière, elle l'est! Mais un calcul détaillé demande de considérer précisément la répartition de portance sur l'aile, d'en sortir la charge linéique en fonction de l'envergure et aussi de prendre en compte la répartition des masses de l'aile en fonction de l'envergure (mais oui!) Je suis allé dans ce sens et me suis rendu compte que la feuille de calcul devenait bien plus lourde pour une valeur ajoutée assez marginale: les formules simplifiées tombent juste à 10% pour considérer ce qui se passe à l'emplanture, ce qui est le plus important!
Dans le tableau de droite, on calcule donc les moments de flexion en chaque point de l'envergure, les efforts tranchants et en fonction de la hauteur du longeron les efforts normaux. Ces forces permettent directement de dimensionner les sections des semelles ou des flancs en fonction des contraintes à la ruptures des matériaux choisis. Et finalement il est très facile d'en déduire les épaisseurs tant recherchées. Le résultat final se présente donc sous forme de nombres, de couches de ruban UD pour les semelles ou de chaussettes pour les flancs, à mettre en oeuvre. Libre à chacun d'arrondir dans le sens ou il veut!
La partie finale du tableau permet de faire la démarche inverse: à partir des caractéristiques géométrique d'un longeron donné, il permet de vérifier s'il est bien dimensionné: un facteur de sécurité inférieur à 1 indique que le résultat final est au dessous de l'optimum calculé, un facteur de 2 indique qu'il est deux fois plus solide!
Voilà pour l'utilisation de cette feuille, j'espère sincèrement qu'elle vous aidera!
Voici quelques idées pour aller un peu plus loin dans l'utilisation de ce document.
Voici un tableau représentant les principales propriétés physiques de quelques matériaux utilisés en modélisme ou en construction avion amateur.
Matériaux | Masse vol | Module d'élasticité longitudinal | Module cisaillement | Cont. de rupt. traction | Cont. de rupt. Compression | Cont. de rupt. Cisaillement | |
en kg / mmm | E en Mpa | G en Mpa | en Mpa | en Mpa | en Mpa | ||
METAUX | aciers | 7800 | 205000 | 79000 | 400 à 1600 | ||
aluminium AU4G | 2800 | 75000 | 29000 | 450 | |||
titane TA 6V | 4400 | 105000 | 40300 | 1200 | |||
cuivre | 8800 | 125000 | 48000 | 200 à 500 | |||
nickel | 8900 | 220000 | 500 à 850 | ||||
beryllium | 1840 | 294000 | 200 | ||||
silice | 2200 | 95500 | |||||
RENFORTS nus | verre R hautes performances | 2500 | 86000 | 3200 | |||
verre E applications courantes | 2600 | 74000 | 30000 | 2500 | |||
kevlar 49 | 1450 | 130000 | 12000 | 2900 | |||
carbone HR haute résistance | 1750 | 230000 | 50000 | 3200 | |||
carbone HM haut module | 1800 | 390000 | 20000 | 2500 | |||
bore | 2600 | 400000 | 3400 | ||||
alumine | 3700 | 380000 | 1400 | ||||
silicate d'alumine | 2600 | 200000 | 3000 | ||||
carbure de silicium | 3450 | 450000 | 3000 | ||||
polyéthylène | 960 | 100000 | 3000 | ||||
RESINES | époxy Ciba LY 5082/5083 | 1200 | 3050 | 1600 | 59 | 97 | |
phénolique | 1300 | 3000 | 1100 | 70 | |||
polyester | 1200 | 4000 | 1400 | 80 | |||
polycarbonate | 1200 | 2400 | 60 | ||||
vinylester | 1150 | 3300 | 75 | ||||
silicone | 1100 | 2200 | 35 | ||||
uréthane | 1100 | 700 à 7000 | 30 | ||||
polyamide | 1400 | 4000 à 19000 | 1100 | 70 | |||
60% fibre en volume | UD verre | 2080 | 45000 | 4500 | 1250 | 600 | 63 |
UD kevlar | 1350 | 85000 | 2100 | 1410 | 280 | 45 | |
UD carbone | 1530 | 134000 | 4200 | 1270 | 1130 | 63 | |
tissu équilibré verre 50% Vf | 1900 | 20000 | 2850 | 400 | 390 | ||
tissu équilibré kevlar 50% Vf | 1330 | 22000 | 500 | 170 | 150 | ||
tissu équilibré carbone 45% Vf | 1450 | 54000 | 4000 | 420 | 360 | 55 | |
AMES | balsa | 150 | 3000 | 100 à 250 | 8 à 18 | ||
CtP | 550 | 8000 | |||||
samba | |||||||
mousse de polyuréthane | 30 à 70 | 25 à 60 | 20 | ||||
mousse de polystyrène | 30 à 45 | 20 à 30 | 10 | 0,25 à 1,25 |
Donc vous avez vos calculs en poche, à savoir vous savez combien de couches de carbone vont être utilisées sur le longeron.
La première étape consiste à choisir le système de clé d'ailes. Personnellement j'utilise depuis très longtemps du jonc pultrudé de carbone que l'on peut trouver chez Weber ou Polyplan par exemple. Ceci détermine déjà la largeur minimale du bidule! Mon longeron est en 4 parties:
La seconde étape est le calcul des dimensions du noyau du longeron: ce sont les dimensions externes du longeron fini moins les épaisseurs de fibre que l'on va rajouter.
Les quantités de fibre utilisées sont les suivantes:
Emplanture | Séparation 1/2 ailes | Saumon | |||
UD Carbone 170g/m² | ------------- | ---------------- | ---------------------------------- | ------------------ | -------------- 3000 mm |
UD Carbone 170g/m² | ------------- | ---------------- | ---------------------------------- | ------------------ | -- 2500 mm |
UD Carbone 170g/m² | ------------- | ---------------- | ---------------------------------- | ----- 1500 mm | |
Tresse Carbone 300 g/m² | ========= | =========== | ======================= | ============ | ========= 3000 mm |
Tresse Carbone 300 g/m² | ========= | ====600 mm |
On obtient ainsi le tableau de dimensionnement suivant:
pièce | Emplanture | Fin boite à clés | intermédiaire | Raccord | Saumon |
Corde | 426 | 404 | 310 | 230 | 140 |
Position Y | 0 | 250 | 1230 | 2110 | 2990 |
épaisseur % | 13.6 | 13.6 | 13.6 | 11.0 | 11.0 |
épaisseur profil | 58 | 55 | 42 | 25 | 15 |
Section ext. Longeron | 55 * 15 | 52 * 15 | 39 * 15 | 22 * 15 | 12 * 15 |
Section noyau | 51 * 13 | 48 * 13 | 37 * 14 | 20 * 14 | 10 * 14 |
La dernière ligne du tableau donne les valeurs à conserver. Une remarque en passant: la largeur du noyau côté emplanture (13mm) est moindre que côté saumon (14 mm); ceci vient du fait qu'il y a plus de carbone vers l'emplanture.
J'ai moulé mes boites de clés d 'ailes dans des petits moules réalisés en contreplaqué, les fourreaux de clés sont des tubes laiton de diamètre 12 ou 10 mm intérieur. Le tube alu pour le passage des câbles est en 9 mm.
Le moule de la boite centrale est en V très aplati. il fait 500 mm de large. Les tubes sont mis en place et fixés avec des entretoises en carton fort et puis le tout est rempli de micro ballon le plus sec possible. A la réflexion, ceci est trop solide et trop lourd, on doit pouvoir inclure des parties en balsa pour alléger le tout. Une fois sec, le V est coupé en deux dans son milieu et donne ainsi les deux boites de clés d'aile avec le dièdre intégré!
Pour les rallonges, le principe est le même mais il n'y a pas de dièdre.
Les parties intermédiaires entre les boites de clés d'ailes sont découpées en roofmate. Il ne faut pas chercher à ébarber ces découpes et surtout ne pas arrondir les angles!
Ensuite les morceaux sont collés bout à bout avec une larme d'époxy rapide.
Une fois à ce stade, il faut réaliser le moule du longeron lui même. Différentes techniques sont possibles (bois ou métal). ce qui est impératif, c'est :
J'ai pour ma part réalisé une caisse autoporteuse en mélaminé, la largeur finie du longeron (15mm, ce qui n'est pas un hasard) est donnée par des profilés aciers en U. Tous les 20 cm sont prévus des écrous et boulons de 10 pour la mise en presse. Comme cette pièce était mon premier gros moulage et que je voulais être sûr de pouvoir démouler. j'ai tout recouvert de scotch marron avant de cirer. Ceci est finalement inutile et donne un état de surface légèrement gaufré (accentué par les photos en lumière rasante.)
Ce moule est fermé en deux temps: d'abord les flancs sont vissés, puis on ferme le couvercle!
Le moule permet de sortir un demi longeron complet (partie centrale plus rallonge) donc il faut s'en servir deux fois pour disposer de toutes les pièces. A l'usage le mélaminé supporte mal les contraintes de la mise en pression, il serait plus judicieux d'utiliser du médium
La stratification du longeron est simple: c'est même la récompense! J'ai procédé ainsi:
Le résultat est étonnant de rigidité et de légèreté! C'est à la vue de ces pièces que Guy a illico démarré la conception d'un ASW22 de 7m50...
Voici le poids réalisé des différents constituants:
2 clés d'ailes principales jonc carbone 12mm, longueur 660 mm: 228g
2 clés d'ailes secondaires jonc carbone 10 mm, longueur 160 mm: 45 g
2 longerons principaux, longueur 2110 mm: 960 g
2 longerons secondaires, longueur 880 mm: 187 g
donc un poids total de 1420 g , à ceci il faut rajouter 200g pour le câblage complet ( 6 prises servos, 2 prises sub D9, 3*10 m de câble torsadé)
Finalement, mouler un longeron est très facile et même assez rapide. Ce qui m'a pris beaucoup de temps, c'est dans la validation du mode opératoire (qui est simple une fois décrit mais vous n'imaginez pas le nombre de scénarios que j'ai monté) ainsi que la conception du moule lui même.
Je pense q'un modéliste voulant envisager une petite série de longerons devra réaliser un moule en métal.
Bon, revenons au Foka! Il est bien beau ce longeron, mais tout seul il ne risque pas de voler! La suite sera la construction des ailes, mais laissez moi un peu de temps car le modéliste est épuisé, et de plus n'a plus de résine! Une petite photo cependant pour illustrer la suite.