Un dossier technique du magazine



LES TURBULATEURS PNEUMATIQUES

par Damien Prat




INTRODUCTION




Avec l'essai du planeur solution XL et ses dispositifs aérodynamiques bizarres, il peut être intéressant de regarder de plus pres la theorie des turbulateurs. En effet, le solution XL met en oeuvre des turbulateurs un peu particuliers qui semblent attrayants pour toutes nos applications à faible nombre de Reynolds.

Les turbulateurs sont des dispositifs qui per mettent de faire transiter la couche limite qui se développe sur la voilure du régime lami naire (les filets d'air sont parallèles) au régime turbulent (forte agitation du fluide). L'intérêt de faire transiter la couche limite en un point voulu est d'avoir une étendue de couche limite laminaire la plus grande possible pour réduire la traînée de frot tement de l'air sur la voilure tout en évitant d'avoir un décollement de couche limite (bulbe de séparation) qui génère beaucoup de traînée. Plus un profil d'aile est optimisé pour avoir une traînée faible, plus il est sujet au bulbe de décollement si la transition n'arrive pas à l'endroit souhaité par son concepteur.


LIMITATIONS DES TURBULATEURS MECANIQUES




Les turbulateurs mécaniques ont le désavantage d'être inefficaces quand ils sont placés trop en aval. Cela s'explique puisque que dans ce cas, le turbulateur se trouve dans le bulbe de séparation et n'a donc plus d'influence sur l'air qui contourne le bulbe (une schématisation d'un bulbe de séparation est présentée sur la figure 1). Du coup, pour être sûr de l'efficacité, il faut les placer relativement en amont sur le profil ce qui réduit l'étendue de la couche limite laminaire et augmente donc la traînée (il vaut mieux cela qu'un décollement tout de même). Ce problème est d'autant plus cru ciale que suivant l'incidence, le bulbe n'est pas situé à la même position : pour de fortes incidences dans le cas de bulbes d'extrados, il se situe plus en amont. Pour assurer un bon fonctionnement du turbulateur mécanique dans toute la plage d'incidence il faut donc choisir la position la plus en amont, ce qui dégrade légèrement les performances du profil (étendue laminaire trop réduite).


LA BETE MAGIQUE




L'idée du turbulateur pneumatique est de déstabiliser la couche limite lami naire non plus par une marche mais par un jet qui est soufflé par des petits trous qui for ment une ligne sur la surface de la voilure. L'intérêt de souffler par rapport à la marche est que la perturbation devrait se propager même à travers le bulbe de séparation car dans ce lui-ci, la vitesse semble faible. A ce niveau, il vaut mieux prendre des pincettes car tous les phénomènes ne sont pas encore connus. La figure 1 présente une schématisation du bulbe ou les vitesses sont faible dans la première partie. Pour justifier cette idée, une étude a été menée sur un profil RA 02/K avec dif férentes positions de turbulateurs pneumatiques (figure 2). Tout d'abord, sans turbulateur (trait pointillés) le profil a une certaine traînée et le début du bulbe est à une certaine posi tion. Ensuite, les différentes positions de turbulateurs pneumatiques sont essayée. Pour chacune d'elles, on note le niveau de traînée (toujours au même niveau de portance Cz=0,6). On peut alors tracer la courbe de variation de la traînée en fonction de la position du turbulateur (courbe avec symboles).

Dans le cas de turbulateurs mécaniques, pour des positions de turbulateurs trop en aval, le turbulateur devenant inefficace, le niveau de traînée deviendrait le même que celui du profil sans turbulateur. Dans le cas des turbulateurs pneumatiques, la traînée aug mente quand le turbulateur est en aval du début du bulbe mais reste à un niveau plus faible que dans le cas sans turbulateur. Ainsi, on voit que ce type de turbulateur continue à fonc tionner même lorsqu'il est trop en arrière. Au passage, cette étude a été reproduite pour trois nombres de Reynolds différent et on voit que plus le Reynolds est faible, plus on a intérêt à placer le turbulateur pneumatique en amont. L'optimum de position est cependant proche du début du bulbe.

En fonction du nombre de Reynolds et suivant le profil utilisé, la traînée générée par le bulbe de séparation sera variable. La figure 3 montre dans un cas concret que plus le Reynolds décroît pour un profil sujet au décollement, plus les décollement dé gradent les performances (la traînée augmente). Du coup, les gain réalisés quand ont met un turbulateur est d'autant plus grand. Il faut voire que pour les planeurs modèles réduits, les Reynolds sont entre 0,1 et 1 million, sur la partie gauche de la figure, avec toutefois des profils plus étudiés pour ces conditions.


PNEUMATIQUE CONTRE MECANIQUE




Nous avons vu que les turbulateurs pneumatiques restent efficaces même lor squ'ils sont immergés dans le bulbe de séparation. La figure 2 nous a conforté dans cette idée et la figure 4 marque le but. Pour un profil HQ 17/14.38 (profil de planeur grandeur) des essais comparent les deux types de turbulateurs et les turbulateurs pneumatiques per mettent une réduction de traînée plus importante. Il semblent donc plus efficaces.

Il faut quand même être honnête, l'air qui est soufflé par les petits trous dans le cas de turbulateurs pneumatiques, a été pris à l'extérieur. Ensuite, il serpente dans des tuyauteries sinueuses et se frotte aux parois. Se faisant, il gaspille de l'énergie qui se traduit au bout du compte par une perte d'énergie pour le planeur donc un accroissement de traînée. En toute rigueur, il faut donc tenir compte de l'énergie perdue dans le dispositif de soufflage, pour regarder si au global, les turbulateurs pneumatiques sont plus intéressant que les turbulateurs mécaniques.


SOURCE D'AIR POUR LE SOUFFLAGE




La figure 5 montre en fonction du volume de fluide éjecté par trou et par sec onde, l'évolution de la traînée du profil HQ 17/14.38. Si le débit est nul (volume de fluide éjecté nul), le profil se retrouve sans turbulateur et la traînée correspond au cas avec bulbe de séparation. Au fur et à mesure qu'on augmente le soufflage, le turbulateur prend de l'ef ficacité et le bulbe disparaît : la traînée diminue. Puis, le jet devient trop fort si bien qu'il perturbe l'écoulement et la traînée se remet à croître. La vitesse à laquelle la traînée se remet à croître est visiblement très faible, on a donc droit à une grande plage de débit pour un bon fonctionnement du turbulateur pneumatique. Dans le cas présenté cela correspond à des volumes expulsés de V'=1 à 2 cm3 par seconde et par trou. Il lui correspond un coefficient de débit Cq entre 2.10-6 et 4.10-6. Or il se trouve que la traînée due au soufflage s'exprime par

Sachant que nos profils ont des traînées de plus de 0,005, ont voit que la traînée additionnelle liée au soufflage est de l'ordre 1/1000 de la traînée du profil, ce qui est négligeable. Cela répond donc à la question précédemment évoquée : les turbulateurs pneumatiques restent plus intéressants d'un point de vue aérodynamique que les méca niques, même en prenant en compte la traînée liée au soufflage.

Les débits nécessaires sont faible, ce qui rend les choses fort sympathiques d'un point de vue pratique. En effet, si on utilise une prise d'air située dans une zone ou la pression est plus forte que la pression où on met le turbulateur, l'air va gentiment aller de la prise d'air aux trous des turbulateurs. Prenons le cas du solution XL, la prise d'air est située sur le coté du fuselage, la ou l'écoulement doit ne pas être trop ralenti ni accéléré ; la pression (statique) y régnant est donc proche de la pression de la masse d'air. Par contre, au niveau des trous, à l'extrados du profil, l'accélération du fluide (pour des incidences de vol classiques) crée une dépression. La pression y est donc plus faible que sur le coté du fuselage et l'air capté par le prise d'air va alimenter les trous. Comme nous avons vu qu'un débit minime suffit à faire fonctionner les turbu lateurs pneumatiques, cette simple différence de pression entre deux points du planeur va être suffisante pour l'alimentation.


REALISATION PRATIQUE




Source de pression
Cela dépend de la zone où l'ont place le turbulateur. Si c'est à l'extrados, les trous sont dans une zone de dépression donc il est facile de trouver une zone pour l'alimen tation. Sur le coté du fuselage cela peut convenir. Une autre idée m'est venue, c'est direct ement à l'intrados, juste en aval du bord d'attaque, dans la région dite du point d'arrêt. En effet, c'est dans cette zone que l'écoulement se partage entre l'intrados et l'extrados. Pile à la séparation entre les filets d'air qui vont à l'extrados et ceux qui vont à l'intrados, l'air hésite tellement qu'il s'arrête, ce qui crée une surpression importante (Cp=1). Pour un turbulateur placé à l'intrados, suivant les cas, il y aura une légère dé pression ou une légère surpression au niveau du turbulateur, il faudra donc nécessairement alimenter le turbulateur par une zone de surpression importante (un endroit ou l'écoule ment est ralenti : - Au niveau du point d'arrêt du profil ; - Au niveau du nez du planeur.
Géométrie des trous
Des trous de 0,6 mm de diamètre conviennent. Si comme dans le cas du solu tion XL on a une alimentation en air par l'emplanture, pour assurer un débit constant à travers les trous, il faudrait des trous plus petits prés de l'emplanture qu'au saumon pour tenir compte des pertes de charge. L'idéal si on prélève l'air directement à l'intrados (au point d'arrêt), serait d'avoir des trous de diamètre encore plus petit parce que les pertes de charges dans les tubes seront plus petites. Je n'ai pas d'opinion sur l'orientation des trous par rapport à la surface de l'aile. Vu que le but est d'éjecter de l'air pour perturber le bulbe, il me semble logique de souffler perpendiculairement à la surface. Dans le cas du solution XL, 10 d'inclinaison vers l'arrière sont préconisés, l'inclinaison peut contribuer à réaccélerer la couche limite, à vérifier... L'espacement entre les trous en envergure doit être suffisamment faible pour être efficace tout le long de l'envergure, et suffisamment grand pour ne pas trop vous ex ténuer à la réalisation. De plus, plus le nombre de trou est grand, plus le débit éjecté est grand, ce qui pénalise. Un bon compromis semble être entre 1.5% et 3.5% de la corde lo cale de l'aile. Plus les trous seront grands, plus il faut les écarter.
Géométrie du conduit
Dans le cas d'un conduit traversant toute l'aile, pour minimiser les pertes de charges, il faut un conduite de section assez grande et plutôt lisse. Au niveau de la prise d'air, les prises d'air type NACA (cf. solution XL) sont adaptée pour capter les écoulements qui ne sont pas particulièrement ralentis. Par contre, si on capte au niveau du point d'arrêt du profil au sur le nez du planeur, un simple trou (prise pitot) suffit. La section de l'entrée d'air (surface du trou pour un pitot, section du trou qui part de la prise NACA pour ces dernières) devra être deux ou trois fois plus petite que la somme des surfaces de tous les trous de soufflage. Évidement, si c'est le même tube qui fait la prise d'air et le trou de soufflage (cas d'un prélèvement à l'intrados), la section sera constante tout le long mais le tube étant court, c'est peu important.
Position le long de la corde du profil
Ce dernier point est important et dépend du profil utilisé et des conditions de vol (nombre de Reynolds). Il est donc difficile de répondre de manière générale. Comme présenté le mois dernier, certains profils ont des bulbes de séparation qui apparaissent au niveau du début de l'extrados, d'autre (profils creux à charge arrière) l'ont plutôt à l'intrados vers 75% de la corde. Suivant le profil il faudra donc plutôt placer le turbulateur pneuma tique vers 20-30% de l'extrados ou 65-75% de l'intrados. L'idéal est de posséder une po laire du profil avec l'évolution de la transition laminaire vers turbulent en fonction de la portance. Dans ce cas, le turbulateur sera placé (dans le cas ou il est utile) à une position moyenne de la transition.


C'EST A VOUS...




Il ne me reste plus qu'a vous souhaiter de bonnes modifs sur vos bêtes volantes. La réalisation concrète de ce type de turbulateur reste simple, surtout dans le cas où on prélève l'air directement à l'intrados pour l'éjecter à l'extrados, vers 25% de la corde. Des bout de gaines blanches de diamètre 2mm extérieur et 1mm intérieur faisant l'affaire...


Damien PRAT
18, allée des Vignes
31770 Colomiers




 
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