Petit panorama des profils symétriques
Thierry Platon
01/05/2006

  

 

 

Les profils du SYMETRIX ont été conçus il y a déjà près de 3 ans. Voici aujourd’hui une étude plus récente et plus générale qui va nous permettre de présenter quelques profils plus récents et tout à fait dignes d’intérêt. Le principe de cette étude est de comparer des profils symétriques entre eux en les ramenant tous à la même épaisseur (soit 9%). L’influence de l’épaisseur relative (et de la répartition de courbure) étant ainsi éliminée, il devient beaucoup plus facile d’analyser comment la seule répartition d’épaisseur influe sur les performances aérodynamiques d’un profil. Les enseignements que l’on pourra tirer de cette étude seront bien sûr valables pour les profils symétriques mais ils pourront par la suite être utiles lors de la conception d’autres types de profils.  Pour ce travail nous avons utilisé PROFILI/Xfoil, la validité des résultats est donc limitée par la représentativité de ce modèle de calcul. Celle-ci parait cependant tout à fait suffisante pour comparer les mérites respectifs de différents profils.

 

Nous avons repris le même type de démarche que dans notre étude sur les profils de voltige (voir planet soaring août 2004).  Le tableau Excel Profils symétriques (fichier excel) regroupe donc les paramètres aérodynamiques caractérisant 27 profils symétriques différents. Ces paramètres sont les suivants :

 

 

Cx :   

Il s’agit du Cx à incidence nulle, pour un profil symétrique le Cx à incidence nulle est en général égal au Cx minimum du profil. Ce paramètre caractérise la capacité de prise de vitesse du profil : au plus Cx est faible au plus le profil est rapide.

De façon à pouvoir faire des comparaisons adaptées au domaine de vol de la voilure, les Cx sont présentés pour plusieurs Reynolds de vol. En fait les paramètres figurant dans le tableau sont :

 

Cx1M   = 100*Cx  à Re=1000000

Cx500k =100*Cx  à Re=500000

Cx300k =100*Cx  à Re=300000

Cx200k =100*Cx  à Re=200000

Cx100k =100*Cx  à Re=100000

 

 

Cz :

Dans l’étude sur les profils de voltige nous avions utilisé les paramètres Cz+ et Cz- pour caractériser la portance des profils en vol ventre (Cz+) et en vol dos (Cz-). S’agissant ici de profils symétriques la portance est la même dans les 2 sens  (Cz+=Cz-), le tableau ne donne donc qu’une seule valeur notée Cz.

Par ailleurs, les volets étant a priori systématiquement utilisés sur un planeur à profil symétrique, nous ne donnons que des valeurs  de Cz avec volets (volets à 30% de la corde et 10° de braquage)

           

Cz500k et Cz200k  sont respectivement les Cz à Re=500000 et à Re=200000 mesurés pour Cx=0.02

 

Cz100K est le Cz à Re=100000 mesuré à Cx=0.03

 

 

Q :

Ce paramètre vise à caractériser la capacité de restitution d’un profil (c'est-à-dire son aptitude à accepter de forte charge alaire et prendre des vitesses élevées). C’est un paramètre important à prendre en compte pour la voltige académique et la voltige en plaine. Il se calcule de la façon suivante :

 

Q1M  = Cz200k/Cx1M

Q500k= Cz200k/Cx500k

Q300k=Cz100k/Cx300K

 

Pour la justification de ce paramètre on se reportera à l’article d’août 2004 sur les profils de voltige.

 

 

            Si on ne s’en tenait qu’aux paramètres de type Cx, Cz et Q, les capacités acrobatiques d’un profil symétrique tel que MG05 pourraient paraître bien fades. Or il n’en est rien du tout, l’observation d’un VOLTIJ lors des compétitions en plaine montre clairement la supériorité de MG05 par rapport aux autres profils. En partant d’une même altitude, un VOLTIJ est capable de réaliser bien plus de figures qu’un planeur de conception identique équipé d’un profil classique. Jean-Michel YVE s’est d’ailleurs fait une spécialité de se genre de démonstration en multipliant les figures dans les derniers 30m de ses programmes libres. Alors que  tout le monde s’attend à le voir faire un dernier passage dos et se poser, Jean-Michel se met à enchaîner, ½ cercle en tonneaux, tonneau à facettes, humpty bump, passage dos, renversement,  etc…avec une machine qui semble ne jamais perdre son énergie !

            On peut penser que cette supériorité du VOLTIJ est principalement due aux performances en vol dos de son profil symétrique, mais ceci ne parait pas être la seule raison. La conservation de l’énergie  du VOLTIJ semble aussi liée aux excellentes performances du profil MG05 en vitesse de roulis et en traînée d’aileron : ce planeur reste en en effet très vif en roulis, même à basse vitesse, et malgré une configuration full-span les tonneaux semblent ne pas lui faire perdre de vitesse.

Conclusion: pour caractériser l’adaptation d’un profil à la voltige, les performances en vitesse de roulis et en traînée d’aileron sont aussi importantes, et voire plus, que les performances pures en Cx et en Cz.  Pour tenir compte de cet aspect nous avons fait figurer dans notre tableau les paramètres ci-après :

 

 

 

            Delta-Alpha :

 

            Ce paramètre est directement proportionnel à la vitesse de roulis, il a déjà été décrit dans le chapitre 2 de cette saga. Nous avons défini Delta-Alpha comme la différence entre les angles d’incidence à portance nulle pour des braquages d’aileron opposés. Pour tenir compte des contraintes de convergence de calcul liées à X-foil nous avons choisi ici d’évaluer Delta Alpha pour un une corde d’aileron de 30% et pour des braquages de +10° et -10°. Il serait cependant souhaitable de pouvoir aller jusqu’à 20° afin d’être plus proche des braquages maximum utilisés dans la pratique.

             L’analyse de Delta-Alpha fait apparaître des différences notables entre profils. Pour les Reynolds élevées (Re > 400.000) tous les profils semblent globalement avoir la même valeur de Delta-Alpha ( Delta-Alpha ≈13.5°), par contre il n’en est absolument pas de même pour des Reynolds plus faibles. Les courbes de la figure ci-dessous  montrent par exemple que pour Re < 300.000 un profil comme SD8020 est  moitié moins efficace en roulis que MG05. SD8020 est le profil du VECTOR III, planeur Taïwanais dont il a été récemment question sur la liste planet soaring. Le nouveau profil TP29 semble au contraire très performant en vitesse de roulis.

 

 

 

 

 

 

Profitons des ces considérations sur l’efficacité des ailerons pour revenir sur  les calculs de vitesse de roulis présentés dans le chapitre 2. Nous avons indiqué qu’une valeur approchée de la vitesse angulaire de rotation était :

Vitesse de roulis =  =  3/2*(Δα0 * V/L) * (1-K²)  

On aura remarqué que cette vitesse ne dépend absolument pas de l’inertie de la voilure. Ceci peut paraître étonnant mais s’explique car il s’agit là de la vitesse en roulis stabilisé (c'est-à-dire « un certain temps » après la mise en roulis).

L’inertie de la voilure a par contre une influence sur la durée de la mise en roulis elle-même: en début de tonneau l’évolution de la vitesse angulaire en fonction du temps dépend d’une constante de temps τ  selon la formule suivante :

Au bout d’un temps τ  la vitesse de roulis atteint 63% de  la vitesse stabilisée, et au bout de 3τ  la vitesse atteint 95% de la vitesse stabilisée. La constante τ est proportionnelle à l’inertie de l’aile, inversement proportionnelle à la vitesse du planeur et inversement proportionnelle à un coefficient  qui dépend de l’allongement de l’aile. Dans le cas d’une aile simple trapèze, et avec les allongements classiques de nos planeurs (λ =10 à 20), une modélisation simple de l’inertie de l’aile permet  un calcul approché :

 

τ = 0.55.         avec 

         

M  masse de la voilure en kg

S  sa surface en m²

V  vitesse du planeur en m/s 

ρ  la masse volumique de l’air (ρ ≈ 1.25)

eff  effilement de la voilure

 

L’application numérique dans le cas du SYMETRIX donne des valeurs de τ comprises entre 35ms (à 30m/s) et 95ms (juste avant le décrochage). Ces calculs montrent qu’à forte vitesse l’influence de l’inertie  sur le roulis est très faible et quasiment imperceptible.

 Conclusion : contrairement à une idée fort répandue, la voltige en plaine ou la voltige académique ne nécessite pas réellement des ailes super légères. Dans ces disciplines les figures se font essentiellement à vitesse élevée et la mise en roulis est alors très rapide. On pourra réussir de très beaux tonneaux à facettes même avec des ailes un peu lourdes. C’est ce que nous avions remarqué sur le F-CIEL : à la construction les ailes nous avaient parues un peu massives mais aucune conséquence sur le roulis  n’a été observée en vol, seuls les déclenchés sont peut-être un peu moins vifs.

Par contre, en voltige 3D ou en VTPR où les figures doivent pouvoir être réalisées à des vitesses nettement  plus modérées  une inertie trop importante des ailes pourra se ressentir dans les départs en tonneau. Des ailes légères seront nécessaires pour conserver des mises en roulis très franches à faible vitesse.

De toutes façons quelle que soit la discipline faire léger, rigide, et solide ne sera jamais nuisible…

 

Cx.roll :

 

Ce paramètre caractérise la traînée du profil lorsque les ailerons sont braqués.  Tous les profils n’ont pas les mêmes performances dans ce domaine. Sur la figure ci-dessous on voit par exemple que pour des ailerons à 30% de la corde et un braquage de positif +10°, les Cx moyens aux incidences négatives (cas d’un tonneau vertical) sont respectivement 0.015 pour MG05 et 0.021 pour SB96V, soit 35% de traînée en plus pour SB96V que pour MG05. Pour un braquage négatif de -10°, la traînée d’aileron de SB96V est juste un peu supérieure à celle de MG05. Ce différentiel de traînée du profil explique en partie le phénomène de lacet induit propre aux profils non symétriques (une autre part du lacet induit étant due au différentiel de traînée induite sur chacune des ailes)

 

En repartant des calculs de vitesse de roulis, on montre que pour un planeur exécutant un tonneau vertical l’incidence du profil au niveau du saumon est :

Alpha saumon= - (1-K²)α      (K proportion d’aile sans aileron, ∆α différence entre les angles d’incidence à portance nulle des 2 ailes)

 

 (l’incidence est négative pour un braquage d’aileron positif et inversement)

 

L’incidence à l’origine de l’aileron coté emplanture est :

Alpha empl. =  -*K*(1-K²)*∆α

         A partir de ces 2 formules on montre que,pendant un tonneau et  pour des proportions d’aileron classiques, l’incidence moyenne de l’aile au niveau du centre de l’aileron est environ :

 

Alpha aileron ≈ -0.4 ∆α

 

La valeur de Cx.roll que nous faisons figurer dans le tableau est donc la valeur moyenne du Cx, lue autour d’une incidence égale à -0.4 ∆α sur les courbes Cx=f(alpha) tracée avec Profili.

 

L’examen du tableau Excel montre que des profils comme SD8020 ou SB96V présentent une traînée  Cx.roll  20% à 25% plus élevée que MG05. Ceci explique l’efficacité de MG05 dans des configurations full span alors que des profils classiques comme  SB96V seront moins performant et traîneront sensiblement plus dans la même configuration.

Pour en revenir au débat « fullspan, ailerons seuls, ou quadroflaps ?», rappelons que la traînée d’aileron (et donc Cx.roll) a un rôle dans le choix de la longueur optimale des ailerons. Au plus le Cx.roll du profil est élevé au plus la longueur des ailerons doit être réduite pour éviter de trop ralentir le planeur.

Signalons aussi  que si l’effilement peut avoir un effet sur la vitesse de roulis, il en a surtout un sur la traînée d’aileron. Pour une même corde d’emplanture, une même corde d’aileron, une même envergure et une même vitesse de roulis, une aile rectangulaire traînera plus qu’une aile avec de l’effilement. En résumé : avec MG05 comme profil et un effilement important un planeur fullspan comme le VOLTIJ a un excellent comportement en roulis. Par contre  le résultat sera nettement moins bon sur un autre planeur avec un effilement plus faible et un profil moins performant en Cx.roll. Ainsi ce qui marche bien sur un planeur ne marche pas toujours aussi bien sur un autre et il faut éviter de généraliser trop hâtivement les « bonnes solutions ». Le vrai problème de l’optimisation d’un planeur est moins de faire un choix binaire entre 2 options que de définir une optimisation générale prenant simultanément en compte tous les paramètres.

 

 

R :

 

 Nous venons de voir que pour un même braquage certains profils permettaient de tourner les tonneaux plus rapidement tout en présentant moins de traînée. Au total avec ce type de profil, l’énergie perdue pendant un tonneau complet sera nettement plus faible qu’avec les autres profils.

 

Le paramètre R permet de caractériser ce comportement :

 

R 200k=   ∆α/Cx.roll         Re = 200.000)

 

 

En fait, le paramètre R est globalement proportionnel au nombre de tonneaux nécessaires pour que la traînée de profil génère une perte d’énergie donnée. C’est un  paramètre très discriminant et tout à fait significatif en voltige : à Re=200.000 des profils comme HT14, TP29ou  MG05 permettent de faire 2 à 3 fois plus de tonneaux que les profils classiques pour une même perte d’énergie. Voilà qui explique bien des choses !

 

 

 

Code couleurs :

 

 

Le tableau Excel utilise un code de couleurs afin d’en faciliter la lecture. Pour chaque paramètre les valeurs sont réparties en 3 plages :

 

-         vert   :  meilleures performances

-         bleu   : performances intermédiaires

-         rouge : moins bonnes performances

 

Les meilleurs profils sont donc ceux qui présentent le plus de cases vertes dans la plage de Reynolds de vol envisagée. Ils sont signalés par un ou plusieurs ♥ dans la colonne observations.

 Il est cependant important de préciser que tous les profils présentés dans le tableau sont capables de voltiger honnêtement : la présence de quelques cases rouges ne signifie pas qu’il s’agit d’un « mauvais profil » (Même s’il n’est plus vraiment au goût du jour, RG15  reste tout de même capable de voler et de voltiger !!)

 

 

 

 

 

 

 

Comparaison avec des profils classiques :

 

 

Pour mieux situer les performances des profils symétriques par rapport aux autres profils, nous avons joint un second tableau qui présente les paramètres de 4 profils classiquement utilisés en voltige: Ritz 1.30.10, SB96V, HQ1.5-9, RG15. Malheureusement si les paramètres du  tableau permettent de bien comparer l’aptitude à la voltige des profils, ils ne sont pas correctement adaptés à l’analyse de leur capacité en « gratte ».

L’examen du tableau montre que, symétriques ou courbes, les profils choisis ont des valeurs de Cz+ relativement proches (ceci est du au fait que nous avons sans doute choisi de mesurer Cz+ à un Cx un peu trop élevé). Pour vraiment mettre en évidence les avantages des profils courbes en terme de « gratte », il aurait fallu faire figurer dans le tableau des paramètres comme la finesse max du profil ou le point à Vz min.

Signalons cependant qu’avec 5° à 10° de volet la finesse max et la Vz min. des meilleurs profils symétriques sont quasiment équivalentes, ou même légèrement meilleures que celles de profils comme Ritz1.30.10 ou SB96V utilisés en lisse.

Notre tableau ne permet pas non plus d’évaluer les performances des profils courbes en vol dos. On notera que pour les profils courbes sélectionnés les Cz- varient entre 0.6 et 0.8, alors que ce paramètre est supérieur à 1 pour les meilleurs profils symétriques. De même, avec les volets, la finesse en vol dos des profils symétriques est de l’ordre de 60 ou plus, alors que celle des profils courbes n’est que de 30 à 40.

 

 

 

 

 

 

Influence de l’épaisseur :

 

 

 

            Dans notre étude l’épaisseur relative de chaque profil a été ramenée à 9%. Or l’épaisseur effective d’un profil doit être adaptée à la taille du planeur envisagé (en particulier au niveau de l’emplanture). Une épaisseur relative de 9% convient sans doute très bien à un planeur de 3m d’envergure, mais on pourra descendre à 8% ou moins pour un 60 pouces, et il sera préférable d’envisager 10% voire 11% à l’emplanture d’un SWIFT de 5m ou plus…

            La question se pose donc de savoir quelle est l’influence de l’épaisseur relative sur les différents paramètres figurant dans notre tableau. Voici quelques éléments de réponse :

-Cx et Cz augmentent sensiblement avec l’épaisseur du profil,

-par contre Delta-Alpha  ainsi que la finesse max du profil en lisse sont relativement indépendants de l’épaisseur.

- Cx.roll dépend peu de l’épaisseur pour les profils reflex, mais il augmente quelque peu avec l’épaisseur pour les profils biconvexes classiques.

 

            En fait, pour un paramètre donné, un changement d’épaisseur ne  modifie pratiquement pas le classement des profils. Il est donc tout à fait possible d’utiliser le tableau pour choisir des profils d’une épaisseur différente de 9%. Le tableau permettra de faire une première sélection des profils les plus intéressants, puis le tracé des polaires avec l’épaisseur définitive des profils permettra de faire un choix définitif.

 

 

 

 

 

 

 

Panorama des profils symétriques

 

 

            Notre étude porte sur 27 profils différents dont 10 profils personnels. Nous avons essayé de réunir une gamme assez représentative des différents types de profils existants. D’autres profils existent bien sûr, ils sont souvent mal adaptés à nos besoins ou bien trop peu différents et moins performants que ceux que nous avons retenus.

Il existe aussi quelques profils encore tenus secrets par leurs concepteurs mais sans doute très performants (MG11, FAD07,…).

 

Voici 2 sites très utiles pour ceux qui recherchent des profils:

-         http://www.profili2.com/eng/lista_profili.asp : il s’agit de la base de données en ligne du site profili ; La recherche de profil selon des critères géométriques y est très facile.

-         http://fly.to/airfoils : Site de Jean-Claude Etiemble. Jean-Claude met une véritable mine de profils, connus et moins connus, à la disposition des modélistes. Les amateurs trouveront également sur ce site de précieuses informations sur l’aérodynamique de nos machines, et notamment un petit logiciel fort pratique pour calculer la corde aérodynamique moyenne d’une aile.

 

Notre plongée dans l’univers des profils symétriques nous a fait découvrir un paysage beaucoup plus varié que ce que nous imaginions. Afin de structurer un peu cette diversité nous avons classé les profils symétriques en 4 catégories :

 

 

 

 

Les profils biconvexes « classiques » :

 

            TP34, TP35, TP37, NACA0009, SD8020, HN312S, HN316S, HN840S, HN968S.

 

            Ces profils présentent une répartition d’épaisseur convexe sur toute la longueur de la corde, y compris à l’arrière du profil. L’épaisseur au bord de fuite est donc relativement importante ce qui facilite la réalisation de gouvernes bien rigides. Ils présentent les caractéristiques aérodynamiques suivantes :

            - Le Cx à fort Reynolds (Re=500k ou Re=1M) est très bon, voire excellent.

- Par contre les performances en roulis (Delta-Alpha, Cx-roll, R) peuvent être fort décevantes (SD8020, profils HN)

- le Cx à faible Reynolds  (< 300.000) est assez élevé, ce qui fait que ces profils ne devront pas être utilisés sur de petits planeurs ni au saumon de plus grands planeurs.

- en utilisant les volets, la finesse max et la vitesse de chute peuvent être meilleures que celles des profils classiques à faible courbure Ritz1.30.10 ou SB96V utilisés en lisse (finesse> 65 à Re=200.000). L’exploitation de cette finesse max demandera cependant un réglage très précis du couplage profondeur=>volet et le bon dosage pourra s’avérer délicat à trouver.

 

En conclusion ce type de profil est plutôt à réserver aux grands planeurs et à la voltige académique : excellentes prises de vitesse et bonnes restitutions, mais performances en roulis limitées. On évitera par conséquent de les utiliser comme profil de saumon.

 

NACA0009 et TP37 sont les profils les plus intéressants de cette catégorie mais ils ne devront être employés qu’à fort Reynolds (Re > 350k). Leur Cx à Re=500k ou Re=1M est très faible (15% de mieux que Ritz1.30.10 !) et leurs performances en roulis et en traînée d’aileron restent honnêtes: elles sont comparables à celles de profils non symétriques comme SB96V.

 Curieusement NACA0009 est traditionnellement utilisé par beaucoup de modélistes comme profil de stab. Ceci constitue pourtant un contre-emploi manifeste. Le Cx à faible Re est en effet plutôt élevé, et surtout la linéarité en fonction de l’incidence est très mauvaise. Par contre NACA0009, comme TP37, peut être efficacement employé à l’emplanture de grands planeurs de 4m50 d’envergure ou plus (corde >400mm). On peut ainsi imaginer un SWIFT de plus de 5m d’envergure avec NACA0009 ou TP37 à l’emplanture et un profil reflex ou un profil spécifique côté saumon. Les  volets/ailerons seraient alors en 3 parties. Les volets internes seraient utilisés uniquement en snap-flap, les volets extérieurs et les ailerons utilisés en roulis et en snap-flap. A priori la faible traînée de NACA0009 ou TP37 donnerait à cette machine des performances en vitesse et en restitution vraiment très intéressantes.

 

TP34 et TP35 ont surtout servi de base pour l’étude de profils spécifiques pour le dynamic soaring. Ce sont les profils les plus rapides de notre tableau, mais ils sont surtout là à titre de curiosités. Leur Cx à Re=1M est excellent  mais c’est bien là leur seule qualité !

 

Les autres profils de cette catégorie (SD8020 et profils HN) ne sont pas à conseiller, ils sont pénalisés par de mauvaises performances en roulis et en traînée d’aileron.

 

 

 

 

Les profils « double reflex »

 

            TP29, HT14, E168, E169, S8025symetrisé, MG05.

 

Les profils «double reflex» présentent une répartition d’épaisseur convexe à l’avant du profil et concave ou quasiment concave vers le bord de fuite. Cette configuration semble minimiser les phénomènes de décollement aérodynamique aux faibles Reynolds de vol, d’où de très bonnes performances pour Re < 250.000. Les principales caractéristiques de ces profils sont :

-         un excellent Cx à faible Reynolds

-         un excellent Delta-alpha à faible reynolds

-         une faible traînée d’aileron sur tout le domaine de vol

-         mais en contrepartie le Cx se dégrade très sensiblement pour les Reynolds élevés (Re>300.000). Ils sont donc à éviter à l’emplanture des grands planeurs

-         la finesse max volets sortis n’est pas des plus élevée (de l’ordre de 55). Mais en compensation ces profils sont extrêmement tolérants au niveau du le réglage des snap-flaps, celui-ci ne sera pas critique.

-         Le Cz max avec les volets à 10° est très élevé ce qui fait qu’il sera possible de voler vraiment très lentement et sans avoir un taux de chute catastrophique.

 

En conséquence les profils «double reflex»sont plutôt typés «voltige totale»  et « voltige 3D ». Ils permettront aussi bien une voltige de belle amplitude, qu’une voltige serrée à faible vitesse et dans un très petit volume. Ils seront particulièrement efficaces dans 3 cas d’utilisation :

 

-         sur de petits planeurs : avec de faibles cordes et/ou faibles charges alaires.

-          comme profils de saumon : ils permettront alors à des machines nettement  plus grandes d’avoir d’excellentes performances en roulis. Il faudra cependant vérifier que le Reynolds de vol au saumon n’atteint pas de valeurs trop élevées.

-         comme profil de stab (éventuellement en réduisant l’épaisseur). C’est particulièrement le cas de HT14, TP29, S8025 et MG05. Ces profils possèdent une excellente linéarité du Cz en fonction de l’incidence sans phénomène d’hystérésis au voisinage du zéro.

 

Des profils « historiques » comme E168 et MG05 sont des « double reflex ». Ils ont, en leur temps, permis de démontrer l’intérêt des profils symétriques pour la voltige planeur et demeurent pleinement d’actualité. Notons qu’à l’origine E168 et E169 sont des profils très couramment utilisés en voltige avion.

S8025 est également un profil qui mérite tout notre intérêt. C’est à l’origine un profil de stab  doté d’une très faible courbure, nous l’avons symétrisé et utilisé comme base de nos tout premiers développements de profils symétriques.

 

Mais les 2 profils les plus intéressants de cette catégorie  sont HT14 et TP29 :

 

- HT14  a été conçu par Mark Drela comme profil de stab ou de dérive. François Lorrain qui nous l’a recommandé l’utilise sur l’empennage de ses planeurs. Son épaisseur initiale est de 7.5%, mais nous l’avons porté à 9% pour les besoins de notre étude.

HT14 s’avère avoir les meilleures performances en roulis (Delta-alpha, Cx.roll, et R) de tous les profils de notre étude. Il possède de plus un très bon Cx à faible Reynolds et un excellent Cz. La contrepartie à toutes ces qualités est un Cx élevé à fort Reynolds et un petit manque de finesse aux Cz intermédiaires.

 Avec une épaisseur comprise entre 8.5% et 7.5% ce profil fera sans doute merveille sur de petits planeurs fullspans  légers genre 60’. On pourra l’utiliser avec une épaisseur encore plus faible sur des planeurs plus petits, capables de voltiger dans des micro-volumes et dans les sites les plus insolites (voir par exemple le MICRO-DS, planeur de 90cm d’envergure en cours de développement du côté de Toulouse)

 

 

-TP29 présente un peu les mêmes caractéristiques mais avec un domaine d’utilisation élargi vers les Reynolds plus élevés (Cx nettement meilleur pour Re>300.000) et une meilleure finesse aux Cz intermédiaires. Ce profil est en fait un mélange entre HT14 et TP25sym, le profil de stab du SYMETRIX.

TP29 pourra avantageusement remplacer MG05 sur des planeurs jusqu’à près de 2m50 d’envergure et sera bientôt en essai sur une nouvelle version du MINITOON de Jérôme Bobin.

Ce profil est également une excellente option comme profil de saumon sur des planeurs beaucoup plus grands. Il devrait alors donner à ces modèles d’excellentes qualités en roulis.

Enfin TP29  sera également très efficace comme profil d’empennage (stab ou dérive avec volet à 45%).

 

 

 

 

 

 

Les profils « intermédiaires »

 

 

 

TP40, TP41, TP42, TP28-0%, TP28L, MG05/NACA0009, jwl106, jwl29, rs001t, HN976S

 

 

Comme leur nom l’indique, ces profils possèdent une géométrie intermédiaire entre  celle des « classiques » et celle des « double reflex ». Si les « double reflex » sont bien adaptés aux faibles Reynolds et les « biconvexes classiques » aux Reynolds élevés, les « intermédiaires » ont eux le grand mérite d’être compatibles d’une plage de Reynolds étendue qui couvre l’essentiel du domaine de vol de nos modèles petits et grands. Leurs performances intermédiaires entre celles des 2 types précédents avec tout de même une tendance à réunir les avantages des uns et des autres. C’est essentiellement sur ce type de profils qu’ont porté nos développements.

-         le Cx minimum est très bon entre Re=100k et Re=500k

-         la finesse avec les volets à 10° est équivalente à celle des profils classiques en lisse (finesse>60)

-         le Delta-Alpha  est équivalent à celui de MG05, donc excellent

-         La traînée d’aileron est intermédiaire entre celle des « reflex » et celle des « classiques »

-         Avec les volets à 10° la Vz minimale est quasiment équivalente à celle des profils de voltige classiques utilisés en lisse

 

Quelques profils de cette catégorie sont particulièrement intéressants :

 

- TP42 possède une efficacité en roulis équivalente à celle de MG05, tout en étant nettement meilleurs en terme de Cx et de Cz. Il conviendra très bien à des planeurs allant du 60’ jusqu’à environ 2m50 ou un peu plus.

 

-Jwl106 est un profil de Johannes W. Leinauer. En vérité, ce profil est quasiment identique au mélange MG05/NACA0009.

Ce mélange nous avait été suggéré par Philippe Jambon : Philippe avait un fuseau de L213 avec un karman de stab en NACA009. Ne voulant pas utiliser ce profil et MG05 étant trop différent au niveau du karman, il nous demandé d’évaluer  le mélange des 2 profils. Un petit test sur Profili a permis de mettre en évidence tout l’intérêt de cette  formule !

 Mg05/NACA0009 et jwl106 seront parfaits sur des planeurs jusqu’à 3m.  TP28-0% conviendra également fort bien à ce genre de machine.

 

- TP40 et TP41 sont des alternatives à TP28L pour l’emplanture de grands planeurs. Ils seront à utiliser à l’emplanture de planeurs de 3m à plus de 4m d’envergure. TP40 est plus efficace que TP28L en roulis. Quant à TP41, il présente une traînée légèrement meilleure que TP28L.

 

 

 

 

 

 

Les profils de saumon

 

 

         TP28S, E169, E168, MG05, HQ0.09, WortmannLV152K25

 

 

         Lors de la présentation de TP28S dans l’épisode précédent de cette chronique, nous avons vu qu’il y avait au moins 2 bonnes raisons de choisir un profil de saumon différent du profil d’emplanture :

 

-avoir un profil adapté à la gamme de Reynolds correspondant à la corde de saumon. (sur les grands planeurs, du fait de l’effilement parfois important des ailes, le nombre de Reynolds peut être nettement plus faible au saumon qu’à l’emplanture). On aura alors intérêt à choisir au saumon un profil de type « double reflex » très performant aux faibles Reynolds, en roulis comme en Cx.

 

-faciliter les figures déclenchées. On choisira dans ce cas un profil décrochant de façon franche lorsque l’incidence augmente. Ceci peut s’obtenir en reculant l’épaisseur max et en réduisant le rayon de courbure du bord d’attaque.

 

 

            Parmi les profils paraissant convenir à une utilisation au saumon on retiendra essentiellement E169 (réduit à 9%) ainsi que TP28S qui ont de faibles Cx jusqu’à Re=300.000. MG05 est également un profil qui pourrait donner de bons résultats.

           

            Une autre solution consiste à utiliser un profil double reflex comme TP29, en réduisant son épaisseur de façon à obtenir un décrochage précoce. L’avantage des solutions TP29-8% ou MG05 est que ces profils se combinent très bien avec des profils biconvexes comme TP37 ou NACA0009 ou encore avec des intermédiaires comme TP40, TP41 et TP42. Ce type de configuration permet d’obtenir en tout point de la voilure un  profil parfaitement optimisé pour le Reynolds local. Le SWIFT de 5m imaginé plus haut pourrait fort bien utiliser cette formule.

           

Les profils HQ0.09 et Wortmann LV152K25 ne sont pas parmi les plus performants, mais ils ont en quelque sorte un intérêt historique. Le Wortmann est le profil du SATANIG, cette machine est le premier planeur à profil symétrique que nous avons vu décrit dans une revue (Looping). Quant à HQ 0.09, c’est en fait un HQ0.10 réduit à 9%, il y a quelques années nous avions utilisé ce profil au saumon d’un planeur dont le profil d’emplanture n’était pas symétrique, nous avons donc voulu avoir cette référence dans notre tableau. Il est de toute façon intéressant de pouvoir positionner les profils étudiés par rapport à une répartition d’épaisseur de type HQ.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques polaires

 

 

   Les comparaisons de polaires ci –après permettront de se faire une idée plus précise des performances de nos nouveaux profils. Le tableau Excel ne donnant pas beaucoup d’éléments sur les capacités de « gratte » de ces profils, les polaires permettront entre autres d’analyser cet aspect un peu plus finement.

 

 

 

 

  A Re=750k, TP37 présente un Cx remarquable aux faibles Cz. Pour ce point de vol TP37est nettement plus performant que Ritz 1.30.10 qui est pourtant réputé pour sa faible traînée. Les prises de vitesse avec TP37 seront donc excellentes.  Par ailleurs une utilisation judicieuse des volets permettra à TP37 d’être meilleur que Ritz1.30.10 dans tout le domaine de vol en Cz.

 

 

 Même constat en ce qui concerne la comparaison entre TP40 et SB96V à Re=400k.

Aux faibles Cz TP40 est sensiblement  meilleur que SB96V en Cx minimum, il est également meilleur au dessus de Cz=0.8 (avec 10° de volet). Une bonne utilisation des volets permettra à TP40 de faire quasiment jeu égal avec SB96V dans tout le domaine en Cz. Le réglage du couplage profondeur=>volet devra cependant être bien adapté.

   A Re=200k, TP42 s’avère supérieur à MG05 sur quasiment tous les plans (Cx min, Cz max, finesse, Vz min…). Lorsque l’on connaît les qualités de MG05, on peut penser que TP42 fera vraiment merveille pour une voltige « absolument totale » dans le petit temps.

 

 

 

Conclusion

 

 

Cette étude nous a permis d’explorer un domaine dans lequel bien des choses restent encore à défricher.

            En effet, si les profils de gratte ou de vitesse font l’objet de nombreux travaux et d’optimisations incessantes, il est loin d’en être de même pour les profils de voltige. Et ceci est encore moins le cas pour les profils symétriques destinés à la voltige.

            En utilisant des profils comme MG05, E168 ou WortmannLV, nos prédécesseurs ont parfaitement démontré l’intérêt des profils symétriques pour la voltige planeur. Mais à ce jour il semble possible de développer des profils encore mieux adaptés aux exigences de cette discipline. C’est ce que nous avons tenté de faire.

 La voltige en plaine ne devrait d’ailleurs pas être seule à bénéficier de ces nouveaux profils : TP29, TP40, TP41, TP42, TP37, TP28L, ou encore HT14, jwl106 et MG05/NACA0009 proposent aussi des solutions diversifiées pour des machines allant du  micro-planeur destiné au vol de dune jusqu’au grand planeur de voltige en plaine en passant par le vol de pente par conditions faibles ou fortes. Ces profils devraient ainsi permettre de concevoir des planeurs capables à la fois :

- de passer une voltige vraiment « totale » ne faisant strictement aucune distinction entre figures ventre et figure dos.

- de passer une voltige de belle amplitude ou au contraire extrêmement serrée (en positif comme en négatif)

- de gratter, dans une configuration quadroflaps, avec une efficacité équivalente à celle des profils de voltige classiques utilisés en lisse.

 

Nos nouveaux profils sont à la disposition de tous ceux qui souhaiteront les essayer. Il suffit de nous contacter à l’adresse suivante : platonthierry@yahoo.fr. Seule condition, nous tenir informé de vos projets  et nous donner en retour le résultat de vos essais en vol.

 

Remerciements : nous adressons nos sincères remerciements à tous les pilotes qui ont assuré la relecture de cet article et plus particulièrement à Jean-Luc Foucher, Marcel Guwang et Pierre Rondel,  avec une mention spéciale à Matthieu Scherrer qui nous a grandement aidé dans nos réflexions sur la vitesse de roulis en nous transmettant quelques pages de ses cours de Sup Aéro.

 

  

 

Prochain épisode :  l’utilisation des volets en voltige….

 

 

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