Conception du SYMETRIX
Par Thierry Platon

Introduction

Définir les performances souhaitées d'un planeur est une chose, en déduire les formes générales à adopter, la géométrie de la voilure ou les profils à employer est une tout autre affaire. Pour réaliser ce travail on peut imaginer partir de zéro, en oubliant tout ce qui a déjà existé auparavant, il parait cependant plus raisonnable de s'inspirer de modèles existants et d’essayer de les améliorer. Pour notre part nous avons bien évidemment choisi le F-CIEL comme modèle de référence. Par rapport à ce planeur nos exigences étaient fort simples, nous souhaitions une machine :

C'est tout !  En échange de ces modestes améliorations nous étions prêts à quelques sacrifices (les plus minimes possible !) sur les capacité de gratte de notre future machine…

Conception de la voilure

La démarche de conception d’une voilure passe par plusieurs étapes :

Envergure  

L'envergure est en général une donnée de base du projet. Dès le départ on sait si l'on veut construire un planeur de 5m ou de 2m ! En ce qui nous concerne nous souhaitions que le SYMETRIX ait globalement la même taille que le F-CIEL (il faut qu’il rentre dans la voiture et dans le même coffre de toit). Par ailleurs, l’expérience nous  a montré que pour pouvoir voler à coup sûr dans tous les concours il faut pouvoir être remorqué par un remorqueur équipé d’un 35cm³, inutile donc de faire trop grand et trop lourd.  Par rapport au F-CIEL Nous avons cependant opté pour une légère réduction d'envergure (4m au lieu de 4m30 tout en gardant approximativement la même longueur de fuselage, avec l’objectif de gagner en vitesse de roulis et en amortissement longitudinal. 

Charge alaire

Pour ce qui est du choix de la charge alaire, nous avons déjà vu qu'une envergure de 4m permet d'envisager une charge alaire allant raisonnablement jusqu'à 100g/dm² (voir premier épisode de la série en septembre 2005). Cependant, de façon à pouvoir voler à la pente le plus souvent possible, nous nous sommes fixés comme objectif une charge alaire identique à celle du F-CIEL (qui fait 68g/dm²) et si possible inférieure, soit 65g/dm². Pour la voltige en plaine et pour atteindre les fameux 100g/dm² il sera toujours possible de ballaster

Surface

L'objectif de charge alaire étant fixé, il convient ensuite d'estimer la surface de voilure qui, compte tenu des techniques de construction employées et du devis de masse que l'on peut en déduire, permettra d'atteindre la valeur de charge alaire souhaitée. C'est là un exercice qui demande une bonne expérience de la construction. Les erreurs d'estimation sont fréquentes et il n'y a pas de recette miracle. Même chez les plus grands constructeurs aéronautiques cet exercice se termine presque toujours par une chasse frénétique aux kilos indésirables (voir tout récemment les déboires sur les estimations de masse de l'A380 ou pire encore celles du JSF américain)            Un bon conseil: au fil de vos expériences de construction notez dans un carnet la masse et les détails de réalisation de vos modèles et  vous ne voulez pas être trop déçu, ne surestimez pas les gains que vous espérez faire en changeant telle ou telle technique de construction…            Le F-CIEL ayant une masse de 7.5kg, nous avons imaginé que le SYMETRIX pouvait être construit avec près d’1 kilo de moins (envergure réduite de 7%, fuselage plus léger, train fixe au lieu d'un train rentrant, longeron allégé, mais par ailleurs coffrage samba 10/10 au lieu de balsa15/10 et clé d'aile plus lourde…soit un devis de masse de 6,8 kg). Pour atteindre notre objectif de charge alaire de 65g/dm² une surface alaire de 105dm² est donc nécessaire.

Allongement

L’allongement d’une aile se définit de la façon suivante :

l = L²/S             où L est l’envergure et S la surface de l’aile

Ce paramètre a une influence absolument déterminante sur les performances  d’un planeur , il est en fait tout aussi fondamental que le profil lui-même. L’allongement est en effet directement lié au Cx induit de l’aile suivant la formule :

Cxi= A*Cz²/pl 

 Cz est le Cz de vol du profil et  A est un coefficient qui dépend de la géométrie de l'aile (A=1 pour une partition de portance elliptique, sinon A>1)

On a donc  intérêt, pour minimiser la traînée induite, à avoir l'allongement le plus élevé possible. Cependant si l’allongement devient trop grand on en arrive à avoir des valeurs de corde trop faibles et une aile fonctionnant trop près du Reynolds critique du profil et traînant plus. Il existe donc  une valeur d'allongement optimale.

Le tableau Excel allongement (fichier excel) est une tentative pour calculer de façon très approchée le Cx d’un planeur (Cx profil+ Cx induit+ Cx fuselage+ Cx interaction)  ainsi que sa finnesse en fonction de divers paramètres (Cz de vol, surface de l'aile, charge alaire, allongement, profil).  Pour chaque Cz de vol il existe un allongement optimal, celui-ci doit donc être choisi pour un point de vol donné. Dans le cas d’un planeur de voltige on choisira comme point d’optimisation  un point de vol à forte vitesse et donc faible Cz: en effet pour pouvoir exécuter une figure à partir du vol horizontal stabilisé le planeur doit voler à un Cz de l’ordre de 0.1 à 0.25 maximum.

Dans le cas du SYMETRIX (chargé à 70g/dm et volant en moyenne à Cz=0,15 le tableau Excel indique que la finesse sera optimale pour un allongement de 15, c'est la valeur que nous avons choisie. C’est aussi la valeur que l’on rencontre sur des planeurs genre SWIFT ou FOX (ce qui nous rssure tout à fait sur notre choix…). Pour un vol de gratte à Cz=0,7 l'allongement optimal serait supérieur à 30 ce qui explique le très fort allongement des planeurs de vol à voile.

Forme

Connaissant l'envergure et la surface, il ne reste plus qu'à choisir la forme de la voilure. Pour minimiser la traînée induite on a toujours intérêt à se rapprocher le plus possible d'une répartition de portance elliptique. Ceci peut s'obtenir en jouant sur la forme de l'aile, sur son vrillage, sur une évolution de profil, ou sur les 3 à la fois. Cependant s'agissant d'un planeur essentiellement destiné à la voltige, la seule bonne approche sera de ne jouer que sur la répartition de surface. En effet, avec une évolution de l'a0 du profil le long de l'envergure ou une évolution de vrillage il n'est pas possible d'obtenir une répartition de portance qui soit elliptique à la fois en vol ventre et en vol dos. Et puis de toute façon dans notre cas les profils doivent être symétriques. L'idéal pour un planeur de voltige serait donc une aile de forme elliptique, sans vrillage, et avec un a0profil constant tout au long de l'envergure.

La formule de calcul du Cx induit  ( Cxi= A*C²z/pl )  fait apparaître le coefficient A qui dépend de la distribution de portance.

A=1 pour une répartition de portance elliptique, sinon A>1

On trouvera sur le site allemand http://www.aerodesign.de/nurfflugel/truckenbrodt un logiciel qui permet de prendre en compte la géométrie d’une aile pour calculer ce paramètre ainsi que d'autres paramètres intéressants comme la corde moyenne. L'utilisation de ce logiciel montre que, pour une aile simple trapèze sans flèche, la répartition de portance est très proche de la répartition elliptique si l'effilement est de l'ordre de 0,4. Dans ce cas le supplément de traînée induite par rapport à une répartition elliptique est faible:

On note que l'écart augmente avec l'allongement, ce qui justifie l'utilisation de formes plus élaborées sur les ailes à grand allongement. En ce qui nous concerne nous avons, par facilité, choisi une forme d'aile en simple trapèze. En plaine la majeure partie d'un vol de voltige se fait à vitesse élevée et donc à faible Cz, la traînée induite n'est alors pas un paramètre prépondérant sur l'ensemble du vol (sauf dans les figures sous fort facteur de charge bien sûr).

Effilement

Pour choisir l'effilement du SYMETRIX nous nous sommes d'abord posé la question de savoir si ce paramètre avait une influence sur le Cx global de l'aile. En première approximation et dans la gamme de Reynolds de vol de nos machines la réponse semble être non. En effet, le relevé à partir de Profili du Cx minimum de nos profils TP28L/S pour différents nombres de Reynolds montre que la relation qui lie le Cx minimum au nombre de Reynolds est approximativement du type :

            Cx = a+ b/Re              avec Re= 70.C.v  (C corde en mm, v vitesse en m/s) , a et b  des constantes dépendant du profil

En utilisant cette formule et en intégrant la traînée le long de l'aile on montre que pour l'ensemble de l'aile la traînée de profil ne dépend pas de l'effilement mais seulement de la corde moyenne.

Si l'effilement n'a pas d'influence sur la traînée de profil, nous avons vu un peu plus haut qu'il a par ailleurs une influence sur la traînée induite et que d'après le logiciel du site aerodesign, un effilement de 0,4 est optimal pour une aile simple trapèze sans flèche.

Cependant en voltige la facilité à réaliser les figures déclenchées est également un critère qui intervient dans le choix de l'effilement. Pour faciliter le décrochage en extrémité de voilure, on a intérêt à avoir un nombre de Reynolds, et donc une corde, sensiblement plus faible au saumon qu'à l'emplanture. Dans le même temps l'inertie de la voilure sera également réduite ce qui va tout à fait dans le bon sens. On aura donc intérêt à avoir un effilement légèrement inférieur à l’effilement optimal.

En conclusion pour faciliter les déclenchés nous avons choisi pour le SYMETRIX :

 

Flèche et dièdre de voilure

Pour le dièdre aucune hésitation, le confort du pilotage en spirale n'étant pas un objectif prioritaire du SYMETRIX, nous avons opté pour un dièdre nul à l'extrados. Ce choix présente l'avantage de simplifier la réalisation de la jonction longeron fourreau de clé d'aile tout en favorisant la neutralité du planeur en vol dos comme en vol ventre.

Le choix de la flèche ne nous a pas non plus posé de problème philosophique. Avec l'ECRINS nous avions eu l'occasion d'expérimenter 2 ailes différentes, l'une avec une légère flèche arrière (bord de fuite rectiligne), l'autre sans flèche du tout (ligne des foyers perpendiculaire à l'axe du fuselage). Nous avions constaté que la flèche arrière a tendance à augmenter la stabilité en lacet mais qu'en conséquence les renversements étaient légèrement plus faciles avec l'aile sans flèche. Compte tenu de la difficulté toute particulière de ce genre de figure en plaine, c'est là encore sans aucune hésitation que nous avons opté pour une aile à flèche nulle. L'association d'une aile sans flèche (voire même avec une légère flèche avant comme sur le SWIFT) et d'une surface de dérive+volet généreuse permet d'obtenir à la fois des renversements aisés et une bonne stabilité sur trajectoire. Il faut cependant noter que ces choix pourraient être différents pour un planeur prioritairement destiné à la pente:

 

   A bientôt pour un épisode très attendu : les profils symétriques  ……

 

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