SYMETRIX : Vers une nouvelle approche de la voltige en plaine

Pierre et Thierry Platon

 

INTRODUCTION :

En 2004 les compétitions de voltige planeur en plaine ont vu l'apparition d'un nouveau type de machine : les grands planeurs à profils symétriques. Ainsi le SYMETRIX a fait son premier vol le 25 septembre 2004 pour le concours de Corbas, et plus tôt dans la saison les TOONS d'Alexis Maréchal et d'Andreas Fricke (profil MG05) avaient déjà participé à plusieurs compétitions.

            En fait, depuis plusieurs années, l'idée du planeur à profil symétrique était déjà dans l’air et avait donné lieu à quelques développements tout à fait convaincants. Il y a quelques temps déjà, Gérard Simon avait présenté dans Looping le SATANIG  et plus récemment le SATABRAZ et avant cela il y avait déjà eu le KIRGOL de Thierry Megnin. Mais la formule du planeur à profil symétrique a véritablement pris son essor avec le VOLTIJ. Ce planeur, conçu par Marcel Guwang et produit par AEROMOD, possède des capacités acrobatiques vraiment exceptionnelles et, malgré son envergure limitée à 2 mètres, ses performances dans les compétitions de voltige n'ont pas laissé insensibles les amateurs de grandes machines. Il n’est donc pas étonnant que 2 projets de planeur de 4m d'envergure se soient simultanément dirigés vers ce type de solution. La voie était toute tracée…

            Afin d'être utile aux modélistes qui envisagent de concevoir et de construire leur propre machine, nous allons présenter en détail le cheminement qui nous a guidé dans la conception, la réalisation, et enfin les réglages du SYMETRIX. Il s’agit d’une suite d’articles à paraître au fil des semaines dans planet soaring. Nous y inclurons toute une série de réflexions concernant les planeurs de voltige ainsi que d’un certain nombre de formules et de fichiers de calcul. En fait, il s’agit plus d’une somme de considérations personnelles, ou d’un « blog » comme l’on dit sur le web, que d’un article proprement dit. Certains chapitres sont déjà écrits, d’autres le seront prochainement. En voici le sommaire prévisionnel:

            Cahier des charges :

                        - Finesse, Vz, et choix des profils

                        - Prise de vitesse restitution et charge alaire

                        - Renversement et manoeuvrabilité en lacet

                        - Vitesse de roulis

                        - Calculs sur vitesse de roulis et tonneaux

                        - figures exotiques

            Conception :

                        - Conception de la voilure

                        - Conception des profils

                        - Conception du fuselage

            Réalisation :

-         fabrication d’un fuselage à moule perdu

-         fabrication des longerons

            Réglages :

                        - Centrage

                        - calcul du couplage profondeur=>volet

Notre approche est basée sur ce que nous croyons avoir aujourd’hui compris du fonctionnement des planeurs, il ne s’agit que d’une vision personnelle, plus ou moins justifiée, qui ne prétend absolument pas constituer une vérité définitive (d’autant plus que cette vision est en perpétuelle évolution). Nos réflexions ne demandent qu’à être précisées, affinées et éventuellement corrigées, toutes les questions et les critiques seront donc les bienvenues. Pour ceci, rendez- vous sur la liste planet soaring (yahoo group).

Pourquoi construire un nouveau planeur :

Cela faisait environ 3 ans que nous avions participé à nos premiers concours de voltige en plaine. Comme beaucoup, nous avions abordé cette discipline avec les planeurs que nous utilisions habituellement à la pente, c'est à dire le F-CIEL (4m30 d'envergure et 7.5kg) et l'ECRINS (2m45 et 1.7 à 2.2kg). Après quelque temps d'adaptation, Pierre a obtenu des résultats honorables, mais cette période apprentissage nous a montré que la voltige remorquée pouvait demander aux planeurs des caractéristiques et des compromis différents de ceux généralement adoptés en vol de pente. D'où l'idée, pour la saison 2004, de construire un planeur plus spécifique, vraiment dédié à la voltige en plaine…

            Une petite réflexion sur les caractéristiques que nous attendions d'un tel planeur nous a conduit à définir quelques options assez nouvelles et radicales …

Nous allons ainsi examiner les différents points qui à notre sens méritent de distinguer un planeur de voltige en plaine des machines que l'on peut habituellement rencontrer en vol de pente.

                                                                      

CAHIER DES CHARGES

Finesse, Vz, et choix du profil

            La première caractéristique évidente d'un planeur de voltige en plaine est qu'il n'a pas besoin d'être hyper-gratteur. La mise en altitude étant assurée par des remorqueurs (et par leurs pilotes, qu'ils en soient tous ici remerciés), il ne sera pas nécessaire de «gratter» finement avant d'attaquer un programme de voltige. Il est donc a priori inutile de s'attarder sur les caractéristiques de finesse et de Vz minimale de la voilure et de son profil.

Pourquoi alors ne pas choisir un profil symétrique, comme cela est systématiquement le cas sur les avions dédiés à cette discipline? Les performances en finesse et Vz mimimale du VOLTIJ semblent bien suffisantes pour la voltige en plaine et ses capacités acrobatiques ont largement démontré l’intérêt des profils symétriques. Le choix de ce type de profil pourrait ainsi permettre de réaliser avec un planeur de 4m des "figures dos" tout à fait équivalentes aux figures positives et d'envisager sans aucune crainte quelques figures rares, voire complètement inédites en 4m, comme la boucle carrées dos, le huit digital, ou autres.

Donc première conclusion bousculant quelque peu les habitudes: un planeur vraiment dédié à la voltige en plaine devrait avoir un profil symétrique et passer la boucle carrée dos!

Mais qui dit profil symétrique dit Cz limité, il sera donc indispensable que la voilure soit dotée de volets de courbure afin d'améliorer sensiblement la portance max. Ce surcroît de portance autorisera des vitesses d'approche plus raisonnables, un remorquage plus facile, une amélioration du taux de chute et de la finesse générale à faible vitesse, et des figures plus serrées lorsque nécessaire. Bien sûr le profil devra être choisi pour optimiser l’utilisation des volets et surtout le mode de pilotage devra être basé sur un couplage profondeur=>volet.

 Comme nous le verrons par la suite, nos premières études sur les profils symétriques ont rapidement montré qu'il était possible de concevoir des profils symétriques qui, grâce à l'utilisation de volets de courbure conjugués à un couplage avec la profondeur, donnent des Cz supérieurs à ceux d'un classique Ritz1.30.10 utilisé en lisse. Nous pouvions ainsi rêver d'un planeur de voltige supportant plus de charge alaire qu'un Swift ou qu'un Fox (qui eux ne disposent pas de volets), volant plus vite, atterrissant plus calmement et passant exactement les mêmes programmes que ces 2 mentors de la voltige planeur …mais sur le dos!!!

Prise de vitesse, restitution et  charge alaire

Contrairement à la pente, où la voltige peut se pratiquer au niveau des yeux, les programmes de voltige en plaine commencent bien souvent assez haut et demandent impérativement des figures amples et majestueuses bien visibles de loin. Il nous faut donc un planeur assez grand (au moins 3m50 d'envergure, voire beaucoup plus), capable de fortes prises de vitesse et de restitutions généreuses. Bien sûr ces caractéristiques sont tout aussi intéressantes à la pente qu'à la plaine, mais en VDP, outre qu’il est nécessaire  gratter de temps en temps, il peut être  aussi très intéressant de voler beaucoup plus près de soi (et beaucoup plus près du sol !) avec des figures d'amplitude plus réduites. Ce type de vol est lui aussi très technique et démonstratif. En fait à la pente les 2 approches et tous leurs intermédiaires sont valables, ce qui n’est pas tout à fait le cas en plaine.

Pour répondre à ces exigences de vitesse élevée et de restitution généreuse, il est classiquement admis qu'un planeur de voltige en plaine doit avoir une très forte charge alaire.  Par gourmandise certains se sont laissés entraîner fort loin dans cette démarche… Mais l'observation en concours de planeurs très fortement chargés montre que celle-ci présente quelques limites :

 - la première est qu'une charge alaire trop élevée implique de forts Cz dans les évolutions. On se retrouve alors avec une traînée de profil qui augmente très sensiblement …et avec une traînée induite (proportionnelle au carré du Cz) qui augmente de façon encore plus significative ! Les évolutions sous facteur de charge se traduisent alors par des pertes importantes d'énergie et d'altitude. Sur certains planeurs ce phénomène est encore plus visible dans les figures  négatives comme la boucle dos.

 - la seconde est qu'en vol horizontal stabilisé, l'augmentation de la vitesse sur trajectoire liée à la charge alaire se traduit en même temps par une augmentation presque équivalente de la vitesse de chute Vz.

Les 2 effets se conjuguant, pour un même programme de voltige et une même une même durée de vol, un planeur trop lourdement chargé nécessite d’être remorqué beaucoup plus haut (on parle de remorquages stratosphériques !). Au final le gain n'est pas si évident que cela. Si la dernière boucle du programme, près du sol, est effectivement majestueuse et tout à fait susceptible d’impressionner juges et public, les premières figures doivent être réalisées très haut et ne sont pas vraiment plus visibles. Par ailleurs les boucles carrées doivent être très fortement arrondies, et pour éviter de se retrouver trop rapidement au sol après seulement 2 ou 3 figures sous facteur de charge, les pilotes de ce type de machine sont obligés de composer l'essentiel de leurs programmes libres avec des tonneaux, même en y mettant un peu de variété  cela devient un peu lassant pour le public!

Quelle est donc la charge alaire optimale à adopter pour la voltige en plaine ? L’observation de machines de voltige très diverses semble montrer que la taille du planeur et le nombre de figures que l’on souhaite passer dans un programme déterminent une charge alaire que l’on pourra, selon les goûts, considérer comme optimale ou plutôt comme maximale.

Charge Alaire max (en g/dm²) = 25 x Envergure (en mètre)

  Dans l’absolu cette formule devrait être pondérée par l’allongement de l’aile et le Czmax du profil, mais elle parait néanmoins globalement valable pour des machines allant quasiment du 60 pouces au planeur grandeur et pour des allongements  de l’ordre de 12 à 16. Ainsi :

- Mon planeur Ecrins2 de 2m45 était trop chargé à plus de 70g/dm² en version électrique,  mais voltigeait tout à fait correctement jusqu’à près de 60g/dm²

-  Pour un 4m la formule donne 100g/m². Ce qui est une valeur couramment admise pour la voltige en plaine

- De même pour un planeur grandeur de 14m d’envergure, la  formule donne 350 g/dm². Cette valeur correspond précisément à la charge alaire d’un FOX près pour une séance de voltige avec un seul pilote à bord

- Enfin nous avons souvent constaté un comportement de type « fer à repasser » sur des planeurs dépassant les valeurs données par cette formule. Mais par bonté d’âme nous ne donnerons pas d’exemple...

Voler avec une charge alaire plus faible que celle proposée par cette formule ne posera pas vraiment de problème. Par contre pour aller vers des charges alaires supérieures il faudrait envisager un profil plus porteur et une voilure avec plus d’allongement. Le comportement en roulis  s’en trouverait dégradé, avec le risque d’avoir à piloter un véritable camion assez peu maniable. La voltige sera peut-être très ample mais le nombre de figures possibles limité.

Dans tous les cas et quelle que soit la charge alaire, la meilleure option pour garantir vitesse et restitution est de réduire au maximum la traînée du planeur. Le dessin du fuselage devra être donc être optimisé pour réduire le maître couple et la surface mouillée.

Quant au choix des profils, il devra prioritairement se faire sur un critère de Cx minimum. Qui dit faible Cx, dit en principe profil de faible épaisseur, vous aurez donc compris qu'entre les 2 recettes traditionnelles de la voltige en plaine, soit très forte charge alaire, profil plutôt porteur (épaisseur 11% à 12% voire plus), soit charge alaire un peu plus faible et profil plus mince, nous allons a priori opter pour la deuxième solution.


Renversement et manoeuvrabilité en lacet

Lorsque nous avons abordé la voltige remorquée, notre première surprise a été de découvrir la singulière difficulté à réussir les renversements en plaine.

 Alors qu'avec un planeur comme l'Ecrins, Pierre n'avait strictement aucune difficulté à passer des renversements à la pente. Il lui a été totalement impossible de réussir une seule de ces figures  lors de ses premiers vols en plaine!

 Il y a deux explications à cela. Premièrement les figures en plaine sont exécutées plus loin et plus haut qu'à la pente, et ceci n'aide pas à la précision du pilotage. Mais surtout en vol de pente la présence de vent latéral s'avère être une aide extrêmement efficace. En effet , pour avoir une trajectoire de montée verticale le planeur doit déjà avoir un dérapage important ce qui facilite grandement le basculement lors du renversement proprement dit.

En plaine il n'y a généralement pas de vent latéral et  une excellente manoeuvrabilité en lacet est absolument indispensable pour garantir à tous coups des renversements corrects. Remarquons que même avec des planeurs comme le Swift ou le Fox cette figure demeure délicate et que pour réussir il est souvent nécessaire de tricher un peu en mettant discrètement un soupçon d'aileron pendant la ressource initiale, de manière à ce que la montée ne soit pas franchement verticale. Ceci est peu visible lorsque le renversement est une figure latérale de replacement mais ce n'est pas toujours le cas quand il s'agit d'un renversement central ou d'un renversement sortie dos situés bien en face des juges!!!

Pour assurer une bonne manoeuvrabilité en lacet, un volet de dérive de dimension généreuse est bien évidemment nécessaire. Il faut cependant savoir que ce choix ne sera  vraiment efficace que si le fuselage possède une surface latérale suffisante en avant du centre de gravité, ceci est par exemple le cas du VOLTIJ dont l’efficacité en renversement est assez remarquable.

 En effet, si la stabilité en tangage fait intervenir des notions de centrage, de marge statique et de volume de stab, on peut facilement imaginer que le même genre  de notion peut intervenir pour la stabilité en lacet d’un fuselage. L’étude de l’équilibre des forces de portance latérale sur un fuselage fait a priori intervenir la répartition des surfaces latérales, mais cette étude demande des logiciel de mécanique des fluide 3D, voici donc quelques recettes de cuisine tout à fait personnelles basées sur l’expérience de plusieurs planeurs plus ou moins efficace en renversement. Il ne faut chercher aucune justification théorique rigoureuse dans les formules ci-après, elles ne constituent qu’une tentative  pour trouver des corrélations entre la géométrie et le  comportement du planeur.

3 coefficients caractérisant  la géométrie du planeur sont utilisés:

     K1 = (Sdérive x Ldérive) / (Savant x Lavant)       

    K2 = Svolet/Sdérive

    K3 = (Svolet x Savant x Lplaneur)/(Splaneur x Splaneur xLvolet)

Sdérive : surface totale de la dérive (inclut la partie du fuselage qui supporte la dérive)

Ldérive : distance entre centre de gravité planeur et foyer dérive                                                    Savant : surface fuselage en avant du centre de gravité

Lavant : distance entre centre de gravité planeur et barycentre de Savant

S volet : surface du volet de dérive

Lvolet :  bras de levier entre centre de gravité planeur et centre surface volet de dérive

Lplaneur : longueur du planeur

Splaneur : surface latérale totale du planeur

L’expérience semble montrer que pour un comportement en lacet correct et des renversements en plaine faciles un fuselage doit avoir à la fois :

- une stabilité suffisante, soit :            K1 > 2  

          - un volet de surface suffisante, soit :          K2 > (0.9 – 1/K1)

          - une bonne répartition des surfaces, soit :   K3 ≈ 0.017 à 0.018

 

En fait, le respect de toutes ces conditions ne laisse que peu de choix pour définir la géométrie du planeur. Voici quelques exemples relevés sur différents planeurs.

planeur

K1

K2

0.9-1/K1

K3

commentaire

FOX

2.18

0.38

0.44

0.0134

Avec le Fox le renversement en plaine reste une figure délicate sur laquelle il faut s’appliquer

SWIFT

1.99

0.44

0.40

0.015

Peut-être un peu plus facile en renversement que le Fox

F-CIEL

2.57

0.5

0.51

00.0152

Comme sur le Swift il faut rester attentif pour ne pas rater la figure

SYMETRIX

2.52

0.6

0.50

0.0169

Apparemment un bon compromis, renversements faciles et tonneaux corrects

ECRINS2

2.96

0.61

0.56

0.0192

Même à la plaine il faut vraiment le faire exprès pour rater un renversement, mais le planeur est très sensible en lacet et les tonneaux sont peu esthétiques

 

Il serait très intéressant de faire figurer dans ce tableau les paramètres du TOONS car ce planeur parait remarquablement à l’aise en renversement (Ceci n’est pas vraiment étonnant vu les surfaces de volet de dérive et de fuselage en avant du centre du gravité).

Pour finir sur la stabilité latérale, il faut préciser que la géométrie de la voilure a aussi son influence sur la stabilité en lacet :

            - la flèche arrière sur la voilure augmente la stabilité en lacet

- un dièdre un peu trop fort sur la voilure et une faible stabilité du fuselage (surface de dérive trop faible par exemple) peuvent favoriser l’apparition d’un phénomène de couplage entre un mode d’oscillation en lacet et un mode en roulis. C’est ce qu’on appelle le « roulis hollandais », à fort badin le planeur se met à se dandiner d’une aile sur l’autre selon un phénomène oscillatoire entretenu. Ceci s’observe parfois sur certains planeurs de début.

            Donc pour notre planeur : pas de flèche (ligne des foyer perpendiculaire à l’axe du planeur) et pas de dièdre. Le choix de l’absence de dièdre est parfaitement justifié pour un planeur de voltige en plaine qui n’a jamais besoin de gratter, le planeur est ainsi le plus neutre possible. Il pourrait en être autrement sur un planeur de pente : pour faciliter la tenue en spirale, on peut parfaitement mettre un peu de dièdre, la surface de dérive d’un planeur de voltige est en général bien suffisante pour éviter tout risque de roulis hollandais, et la diminution de stabilité en vol dos est négligeable.

 

SUITE DE L'ARTICLE (Seconde Partie)

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