Erwin 5

Par Eric Perrot

 

Expatrié à Singapour, le printemps est toujours l’occasion de commencer à préparer les vacances d’été. Ce pèlerinage annuel vers mes alpes natales est l’occasion de se payer quelques bonnes séances de vol à la pente, car le reste de l’année, au bout de la péninsule malaise, ce n’est pas terrible. On a bien une petite pente d’une cinquantaine de mètres de dénivelées dans un grand parc, mais ça ne vole qu’à la saison de la mousson, seule période où le vent souffle de nord-est. Dans ces conditions de pure dynamique, la portance y est régulière et suffisante pour des machines jusqu'à 3 ou 4 mètres. Passionne de F3F et 60 inches, je me suis mis a la recherche d’un planeur compact de 2 mètres à 2,50 mètres, tout plastique (faut que ça vole vite et que ça tourne court), que je pourrais emmener en cabine pour les voyages en avions, puis mettre dans le sac a dos pour partir en randonnée, et ensuite utiliser sur ma petite pente locale. Tout ça pour une utilisation loisir, car à Singapour, peu de chance que je puisse donner dans la compétition ou le Dynamic Soaring. Début 2004, un co-listier de Planet-Soaring donne l’adresse du site d’un artisan autrichien, Markus Podivin (www. pcm.aut – production de pièces en composite pour planeurs grandeurs genre tableau de bord), qui commercialise un modèle correspondant a peu près a ce que je cherche : Erwin 5, 2 mètres d’envergure, full carbone, 1150gr en ordre de vol, profil HQW/1,5/7mod  a 8% d’épaisseur. Ca semble correspondre à mon cahier des charges.

 

A part ça que propose le marché (liste non limitative) :

 

-          Miraj mais envergure un peu trop importante (et puis je n’accroche pas trop au look – dommage)

-          le Cirius d’Airtech, mais trop fragile pour le sac a dos et le transport en cabine (j’ai par ailleurs un x’soar, et je confirme qu’il faut faire attention a l’entoilage) et qui correspond plutôt a un mini F3j

-          et le X-Race 2m   d’Airtech qui répond parfaitement a mon cahier des charges.

 

Finalement par rapport au X-race, j’ai fait le choix de l’originalité en optant pour l’Erwin 5. Sa construction full carbone plus quelques choix de conception assez originaux ont fait la différence. Le descriptif de l’Erwin 5 est aussi visible sur le site US suivant : http://www.slopeflyer.com/artman/publish/article_347.shtml

 

Le Kit

Commande fin Avril, le planeur est arrive d’Autriche 3 semaines plus tard. Emballage exemplaire vu la distance à parcourir jusqu'à Singapour : carton épais avec armature intérieure en tasseaux de 20x20 pour éviter l’écrasement  et remplissage de chips + papier bulle. Même DHL n’a pas réussi à l’écraser. Vu le prix de la bête (330 euros hors taxe), j’ai opté pour le kit de base (2 ailes avec volets découpes mais non articules, un fuselage et 2 demis empennages – c’est tout) avec gel-coat jaune sur l’extrados (pour éviter que le carbone ne chauffe trop au soleil). Il est possible en option d’obtenir la platine de fuselage, l’articulation au silicone des volets d’ailerons et de flaps, plus diverses pièces en CTP pour 60 euros de plus. Rien de difficile à faire soi-même pour bien moins cher, donc option rejetée.

 

C’est au déballage qu’apparaît toute l’originalité de la machine. Le fuselage est en 2 pièces qui s’assemblent par emboîtement et collage (en arrière du bord de fuite de l’aile). L’ogive n’est pas démontable, tout doit entrer par l’ouverture faite sous l’aile). La qualité de moulage du fuselage n’est pas top. Nombreuses bulles, joint horizontal mal arase. Le moulage ne semble donc pas avoir été fait sous vide. De plus les moules semblent avoir beaucoup servis et avoir été mal réparés.

 

La platine de servos est à insérer par l’ouverture sous l’aile (séances « galère » décrites plus loin).

Les ailes s’assemblent au fuselage par des tours de ruban adhésif devant et derrière. Par moulage d’un relief ad hoc, l’aile est maintenue centrée sur le fuselage. C’est vraiment béton (même en DS) et en cas de choc violent, le ruban adhésif est sectionné et l’aile éjectée. Pas très esthétique mais réellement très astucieux.

 

Les ailes sont bien plus belles, sans bulle et brillantes. Les peaux d’intrados et extrados sont moulées en carbone monolithique (100 a 150gr/m2 ?), les deux longerons sont réalisés en polystyrène expansé recouvert d’une fine chaussette en fibre de verre. L’assemblage des ailes se fait par une ou deux clés d’ailes de 8mm de diamètre soit carbone, soit acier (elles font alors office de ballast). Les volets d’ailerons et de flaps sont articulés à l’intrados.

 

Le kit est accompagne d’une notice de montage de 3 pages qui se réduit vraiment a l’essentiel (avec quelques photos de qualité tellement médiocre quelles sont inutilisables)

 

 


 

 

Le montage

Pas mal de travail en perspective pour assembler tous ces morceaux de carbone, alors au boulot.

 

1ere étape : l’équipement du fuselage

 

Pour rester dans l’ambiance carbone, j’ai fabrique une platine en sandwich balsa/UD carbone. Le gabarit de découpe de la platine est donne dans la notice. C’était indispensable car il est quasi impossible de relever les dimensions intérieures de l’ogive. La platine est plus étroite que l’ogive pour pouvoir être introduite par l’ouverture sous les ailes. Cette platine est fixée par une vis M3 grâce a un écrou a griffe colle au fond du fuselage (comme ça rien n’est visible de l’extérieur). Sur la platine sont montes dans l’ordre depuis l’avant :

 

-          l’accu de réception (4 éléments NiMh 1100 mAH)

-          le récepteur (R700 Graupner)

-          les servos de l’empennage en V (2 Hitec HS56HB)

 

Tous les fils de servos d’aile sont insérés dans une gaine plastique en spirale + gaine thermo rétractable aux extrémités. En cas d’arrachage de l’aile à l’atterro, ça devrait permettre d’éviter des dégâts

 

Là où les choses se gâtent, c’est lors de la 1ere tentative d’insertion de la platine équipée dans le fuselage : ça ne veut pas rentrer !! Ça coince de tous les cotés. Damned. Obligé de refaire la platine ou bien fraiser le fuselage ?? Finalement, en fraisant petit à petit le fuselage et la platine, ça finit par rentrer au chausse-pied. Il ne sera pas question de ressortir cette platine trop souvent. Comme les servos sont inaccessibles dans l’ogive, j’ai du installer un système de raccord permettant de découpler les commandes rigides de profondeur/dérive (tube carbone 4mm) avant de sortir la platine. J’installe un petit crochet de treuillage démontable qui permettra le lance au sandow.

 

 

L’antenne de réception : Comment faire avec un fuselage 100% carbone ? Apres avoir consulté les archives de la mailing-list Planet-Soaring, il semble que la solution la plus utilisée consiste à scotcher l’antenne le long du fuselage à l’extérieur et de la rallonger de la longueur courant à l’intérieur. J’ai donc soudé une rallonge à l’arrière en corde à piano de 0.8mm, ce qui évite d’avoir une antenne qui pendouille et crée de la traînée. Depuis je n’ai eu aucun problème de réception.

 

2eme étape : l’assemblage de l’empennage en V

 

L’empennage est livre en 2 morceaux à assembler avec une clé en CTP. Les peaux sont moulées en monolithique carbone. Les longerons sont aussi en polystyrène avec sa chaussette de verre. Cette clé est découpée dans du CTP aviation de 2mm avec quelques renforts en UD carbone. Le raccordement des peaux se fait avec une petite bande de fibre de verre 50gr/m2. Un peu de ponçage et de masticage, plus une retouche de peinture jaune, le tour est joue. La notice suggère de coller l’empennage sur le fuselage. Je préfère un système démontable, d’une part pour pouvoir modifier le V longitudinal et d’autre part pour faciliter le transport (faut pouvoir prendre l’avion avec). J’ai donc colle un écrou a griffe dans le fuselage et l’empennage est fixe par une vis M3 traversant l’empennage (l’empennage creux est remplis d’un mélange résine/microballon a cet endroit afin de resister a l’écrasement).

 

 

 

3eme étape : les ailes

 

La, il y a pas mal de boulot. L’aile est équipée de 4 servos (2 HS 81MG pour les flaps et 2 HS 125MG pour les ailerons). Le choix des servos d’ailerons a été impose par l’épaisseur disponible. Ne voulant pas que les servos dépassent de l’intrados, il ne restait que les HS 125MG a un tarif raisonnable (25 euros TTC a Singapour – voir à rotor.com.sg). Les servos ont été colles au silicone. La notice de montage propose une connexion des ailes au fuselage assez astucieuse : une prise multiplex a 6 contacts, solidaire d’une des ailes et inclinée a 45 degrés vers l’arrière et une prise a 4 contacts pour interconnecte les 2 ailes entre elles. La 1ere prise est inclinée a 45 degrés afin de permettre sa déconnection automatique en cas de choc violent et arrachage de l’aile. Ces connecteurs sont collés à la résine époxy chargée de microballon dans l’emplanture des ailes. Les photos valent mieux qu’un long discours.

 

 

Les volets d’ailerons et de flaps sont articules a l’intrados (pas banal pour les ailerons). Les chants de ces volets sont fermes par un système astucieux : une  chaussette de fibre de verre cours sur la longueur des volets et est coupée suivant son diamètre (voir schéma et photo)

 

 

 

 

J’ai opté pour des articulations au silicone. J’ai laisse le scotch en place pour augmenter la rigidité de l’articulation. Les petites extrémités triangulaires d’aileron (diminuant la traînée des ailerons braqués – système déjà vu sur le  SCAR deTun Modellbau  ) sont aussi articulées au silicone et entraînées par le volet d’aileron grâce a un petit bout de corde a piano 1mm colle a la cyano dans l’épaisseur du volet (idem pour les volets d’empennage).

 

 

Ensuite les commandes d’ailerons et flaps. Première expérience de commande sortant par l’extrados (puisque l’articulation est a l’intrados, ça me semblait  meilleur en terme de traînée et de risque de choc a l’atterrissage). J’y ai passé quelques heures avant de réussir a définir le bon fraisage de la sortie à l’extrados, la bonne forme et longueur de la commande (chapes à boule cote volets et chapes classique coté servos). Un peu galère tout ça. Au bout du compte j’étais assez content du résultat : bon débattement des flaps et ailerons, dépassement de 2 à 3mm des palonniers de servos a l’intrados (donc petit carénage dépassant peu a l’intrados). Le seul problème qui apparaîtra plus tard (voir les essais en vol), sera un manque de rigidité de la commande de volet qui se traduira par un sérieux flutter a grande vitesse.

 

 

Les caches de servos ont été moules dans un moule maison modifie a la plastiline pour obtenir la forme souhaitée. Les caches sont collés au silicone.

Les 2 clés d’ailes sont taillées dans un rond carbone de 8mm de diamètre. On peut voler avec une ou deux clés suivant les efforts que subira la machine. Elles peuvent être remplacées par des clés en acier. Elles font office alors de ballast. Il existe un évidement entre les 2 clés, qui peut être utilise pour embarquer du plomb supplémentaire (environ 100 grammes)

 

 

 

 

 

 

 

4eme étape la commande de profondeur

 

 

Elle se fait par des tubes carbone de 4mm avec des chapes a rotule cote stab et des morceaux de corde a piano cote servos pour raccordement avec la commande venant du servo (à cause du problème de démontage de la platine évoqué plus haut). Les tubes carbone sont guides a mi-fuselage par un couple en balsa colle dans le fuseau. Rien de spécial de ce coté. Les billes des rotules sont brasées à l’étain sur le palonnier de volet de stab. Les commandes de profondeur/direction sont raccordées dans le fuselage aux servos grâce a des bagues d’arrêt vissées. C’est la seule solution trouvée pour permettre un démontage rapide de la platine de servos. De plus ça permet de régler le neutre sans accéder aux servos inaccessibles au fond de l’ogive.

 

 

 

 

 

5eme étape : les réglages

 

Les débattements sont donnés dans la notice. On notera seulement que l’abaissement de 5mm des volets en quadro-flaps (position gratte) ne nécessite pas de correction a la profondeur. Je n’ai pas utilisé tout le débattement vers le bas des volets pour la fonction crocodile car ceux-ci dépassent alors sous le fuselage (à coup sur ils toucheront accidentellement le sol a l’atterrissage. Je perds un peu de freinage mais gagne en durée de vie pour les HS81. Cote réglage pas grand-chose d’autre à signaler. Ce sont ceux de la notice. J’ai utilisé divers mixages classiques genre ailerons vers volets, et volets vers ailerons, position vitesse avec quadro-flaps légèrement relevés (2mm), et position treuillage avec quadro-flaps abaisses (8mm).

 

Le centre de gravité est règlé à 65mm ce qui correspond à la limite arrière de la notice. Pour cela j’ai pris l’empreinte du nez du planeur dans du sable humide et j’ai moulé 40gr de plomb. Ce lest a été introduit dans l’ogive après avoir légèrement retaillé la platine de servos.

Passage sur la balance : 1150gr prêt a voler. C’est précisément le poids annonce par le concepteur de la machine. Cela donne une charge alaire de 38 gr/dm2. Ce ne sera pas vraiment un mini-F3J ou un planeur de tout petit temps mais ça reste dans les limites des machines faciles à la pente.

 

 

En vol

 

A Singapour

 

Essais de lancer-mains sur mon site préfèré de Marina South. Déception, sans vent ça plane pas bien loin. Sans dièdre, il faut corriger aux ailerons pour maintenir la bête à plat, et ça freine. Ceci dit, pas de comportement malsain. Les lancer-mains ne donnant pas d’autres indications, il faut passer au lancer au sandow. 30 mètres d’élastique de 8 ou 9mm origine Multiplex plus 100 mètres de Spectra acheté chez Décathlon (fil de cerf-volant bien plus résistant que le polyester ou le nylon). J’utilise habituellement ce sandow avec mon X-Soar. Là, c’est un peu violent pour les 1150gr de l’Erwin 5. Décrochage du sandow a 20 mètres du sol, suivi d’une ressource d’au moins autant. Ca ressemble plutôt à du catapultage. Chaque lancé s’accompagne d’un léger bruit de flutter que j’ai pris sur le coup pour le bruit du parachute (erreur ! c’était certainement déjà un léger flutter des volets). Au niveau centrage, je n’ai rien eu à corriger. Le test du piqué est OK.

 

 

 

 

A la pente

 

C’est le temps des vacances. Transfert vers la Haute-savoie via Paris CdG et Genève Cointrin. Destination Les Gets : Ailes et fuseau dans leurs housses fabriquées dans un tapis de sol en mousse, empennage dans la valise, pas de problème pour prendre l’avion (les hôtesses ont aimablement mis tout ça dans une penderie). Tous les vols se sont passés dans les environs des stations des Gets, du Praz de Lys, Mieussy (la Mecque du parapente avec St Hilaire) et du massif du Roc d’Enfer. Multitudes de pentes accessibles après ½ à 1 heure de marche. Il suffit d’acheter les cartes IGN au 1 :25000 du coin, et repérer les alpages bien orientés.

 

 

 

L’Erwin 5 vole vite. J’ai quand même augmenté le débattement des volets du mixage crocodile pour mieux freiner à l’atterro. Attention maintenant de penser à rentrer les volets juste avant de toucher le sol.

Les premières  sensations en vol confirment les essais à Singapour. Le comportement est proche de celui d’un 60 inches (grande vivacité aux ailerons). Je pense q’un peu de dièdre n’aurait pas nuit. En conséquence, en spirale, il faut vraiment piloter car le roulis induit est assez fort. Le lacet inverse n’est pas trop important mais reste sensible.

 

Viennent ensuite les piqués «  de la mort » et simulation de bases F3F pour voir ce que donne la bête à grande vitesse.

Premier constat, le flutter des volets recommence. Plus de doute sur l’origine du problème. Je pose et condamne les volets avec du ruban adhésif. Re-vol : plus de flutter. Il va falloir revoir tout le montage des commandes de volets (et entre autre reprendre le collage des servos dans l’aile au silicone pour passer à l’époxy). Sans flutter, ça peut voler très vite. Sifflement classique d’un tout plastique. Par contre, le braquage brusque des ailerons ne fait aucun bruit ce qui n’était pas le cas de mes 60 inches et F3B – Raptor (vendu par JM. Fraisse dans le temps). C’est certainement l’apport des petits volets triangulaires en bout d’aileron.

 

Tentative de Dynamic Soaring quelques jours plus tard au col situé juste au sud de la pointe de Perret au dessus du Lac du Roy au Praz de Lys. 1 heure de marche avec l’Erwin sur le sac à dos. Pente parfaite, vent de 25 km/h bien orienté. Il suffit de lancer pour prendre 100 mètres d’altitude. Seul problème, le plafond de cumulus est à peu près à la hauteur du col, et tous les ¼ d’heure, il faut attendre que la brume passe. C’est ma toute 1ere expérience de DS : autodidacte pur (mais j’ai bien révisé sur le Net avant d’y aller). Prise de vitesse, plongeon back-side et c’est parti. Dur de maîtriser la trajectoire, je vole trop près du relief et à chaque tentative je quitte la trajectoire au bout de 2 ou 3 tours de peur de me crasher dans les rhododendrons. Au niveau de l’adrénaline, c’est top, mais pas de doute, il faut de l‘expérience.

 

Coté voltige, toute les figures ne nécessitant pas de dérive sont faisable (ensuite ça dépend du pilote). L’empennage en V n’aide pas pour les renversements. Surprise, le vol dos nécessite très peu de compensation à la profondeur.

 

 

 

Le bilan

 

Les plus de l’Erwin 5 :

 

 

Les moins :

 

 

  • Caractéristiques Erwin 5 :

  • Prix HT : 330€  + transport

  • Envergure : 2.00m

  • Longueur : 1.12m

  • Profil : HQW/1,5/7mod  à 7.5%

  • Surface alaire : 30 dm2

  • Masse : 1150 gr

  • Charge alaire : 38.3 gr/dm2

  • Fabrication : entièrement moule en carbone. Ailes et stab creux (peaux monolithiques carbone)

 

Et puis en prime, voici quelques photos qu'Eric a ramené de Nouvelle Zélande (Eric nous prépare un petit topo sur son voyage là bas !):

 

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