Epouse de modéliste ...

 Par Isabelle DESCROIX

 

 

Si j’ai souhaité faire cet article dans les pages web de Planet Soaring, c’est pour deux raisons : la première est de faire connaître le pourquoi de cette passion qui anime les hommes et la deuxième, tenter de vous donner le goût, mesdames, de vous y investir avec eux … la simple présence sur un terrain à côté d’eux est déjà beaucoup, vous pouvez me croire.

 

J’ai connu Gilles en 1983 ; A cet époque, cela faisait déjà 11 ans qu’il pratiquait l’aéromodélisme ; pour ma part … découverte totale !

 

J’ai eu la chance de le connaître alors qu’il pratiquait déjà cette activité ; je peux comprendre que les hommes qui se mettent (ou se remettent) au modèle réduit quelques années après avoir connu leur dulcinée, peuvent rencontrer quelques tensions voir même certaines réticences ; j’en connais certains qui ont dû y renoncer car ils ne sont pas parvenus à concilier vie familiale et activité radiocommandée ; même si je trouve cela dommage, on peut le comprendre.

 

C’est une activité à part entière car il n’y a pas seulement les samedis et/ou dimanches sur le terrain ; eh oui, il faut bien les construire ces engins … En ce qui nous concerne, cela nous arrive parfois de planifier certaines tâches de la maison : « après la construction de ce planeur, on passera à la tapisserie de la chambre et après, on reprendra l’essai de ce kit » … et ainsi de suite ! si au départ, nous (les femmes) acceptions et respections cette passion, il y aurait sûrement matière à s’entendre. C’est une activité comme une autre avec un peu plus de temps. Regardez : les amateurs de foot ou de cyclisme : une fois le match terminé, ou à l’arrivée de l’étape du tour de France, tout s’arrête pour eux à ce moment-là, alors que nos hommes : de retour du terrain : soit il faut faire chauffer la colle car il y a eu un bon vieux décrochage, soit ils ont vu l’avion du voisin et ils se mettent en quête de faire le même …… Mais, comme je l’ai dit un jour à un journaliste antillais (lors d’un meeting en 1992 à Pointe à Pitre), je préfère le voir dans son atelier plutôt qu’au bistrot ; ah, cela me fait penser à une anecdote : Ce cher journaliste n’a rien trouvé de mieux que de reproduire mot pour mot mes dires dans le journal … inutile de vous dire l’accueil du lendemain matin au p’tit déj !!! mais j’en ris encore … c’est en partie cela le partage !

 

Peu de temps après notre rencontre, Gilles a cru bon de me faire partager toutes les facettes de cette passion : week-end modéliste, concours (qui tombaient en général en pleine fête des mères, d’un mariage). Et puis il y a eu ce jour où il m’a emmené pour la première fois au Cap Gris Nez, faire du vol de pente ; il a insisté pour me faire piloter ; par curiosité j’ai accepté ; ce fut un cours très enrichissant car j’avais le planeur à hauteur des yeux et à chaque commande je comprenais le pilotage : manche à droite … je voyais les ailerons bouger et … le planeur tournait à droite ! depuis ce jour, je n’ai jamais connu d’inversion de manche, même lorsque le planeur arrive face à moi ; je me suis toujours imaginée piloter depuis l’intérieur du cockpit …

 

Puis, il m’a fait essayer un avion ; j’ai fais mes premiers pas sur le terrain des Coucous d’Etampes. C’est là que j’ai appris le relationnel : on peut accompagner son mari mais on n’est pas obligée de  s’ennuyer : on peut emmener son vélo, faire des balades à pied, ou lire un bouquin. Parfois, j’amenais des travaux de couture ; j’ai même appris à tricoter aussi …

 

Et puis il y a ces jours de concours ; je ne pouvais pas laisser Gilles y aller tout seul ; même s’il ne le dit pas ouvertement, un modéliste a besoin du soutien de sa compagne et de ses encouragements ; j’ai remarqué que le simple fait d’être près de lui, de lâcher ce que je faisais au moment de son passage, de le regarder lui et son modèle évoluer devant un rideau de juges, sans pour autant lui parler, contribue à le dé-stresser ! avant, on peut l’encourager, après on le réconforte ou on le félicite. Et pour ma part, je suis de cette race de femme qui pense ainsi :  on est déjà séparés la semaine du fait de notre activité professionnelle, alors le week-end, on le passe ensemble ; on est très souvent ensemble ; cela a toujours fait sourire notre entourage, car lorsque l’on voit un Descroix, l’autre n’est généralement pas très loin .

 

Tenez, une preuve de ce que j’avance ; quand je vous dit que je ne m’ennuie jamais sur un terrain ici ou là, même dans les cas extrêmes … En août 90, j’ai passé des vacances auvergnates, la jambe dans le plâtre (dès le premier jour),  au pied du Puy loup de la Banne d’Ordanche, car ce site de vol ne voulait apparemment pas de moi : « il m’a fait mettre » le pied dans une ornière et … crac, arrachement des ligaments de la cheville ; cette fois-là, je ne suis pas passée inaperçue aux alentours de la Bourboule et ne suis pas prête d’oublier cette journée non plus : Gilles ne pouvant redescendre s’occuper de moi (il était moniteur d’un stage de VDP), je suis redescendue sur le dos d’un charmant jeune homme (quand je vous dis que je ne fais jamais les choses à moitié !!), médecin de renom, et modéliste, qui souhaitait faire à l’occasion d’une pause entre les consultations du matin et de l’après-midi en montant au Puy Loup faire deux ou trois vols !! (merci encore Fawzy !!) j’ai découvert à cette occasion une belle preuve de solidarité, d’une part des modélistes qui n’avaient de cesse de prendre de mes nouvelles et d’autre part des épouses qui ont pour certaines, abandonné leur projet de balades pour rester près de moi toute la semaine afin de me tenir compagnie. Si je suis restée un peu en froid avec la Banne, cela ne m’empêche pas de crapahuter encore sur d’autres pentes !

 

Si j’ai décidé de « volouiller » aussi, c’est un peu par amusement, mais sans aucune prétention. Je ne ferai jamais de concours comme certaines femmes pilotes que je connais (pardon pour les autres) : Nathalie Chansard, Brigitte Gourdet, Pascale Béranger, non, juste voler pour moi, pour me faire plaisir… et puis il y a autre chose aussi que je dois avouer, qui me pousse à prendre la télécommande : j’adore me faire mousser, je suis fière d’entendre tous ces commentaires autour de moi lorsque je pilote : on s’étonne de voir une femme piloter, on me flatte et il y en a un qui est encore plus fier que moi … imaginez un peu la tête de Gilles lorsqu’on lui demande : « comment tu as fait pour la faire piloter ? la mienne …….. rien à faire … » !!

 

Donc, je pilote ; j’ai ma licence fédérale ; j’ai même passé mon brevet de pilote de démonstration avec, excusez du peu, Monsieur Jean Rousseau comme juge ; étant donné qu’à cette époque, je ne savais pas poser un avion, Gilles avait trouvé l’astuce pour gagner du temps à la construction : il ne me faisait pas de train ; alors allez essayer de faire un touch-and-go pendant le brevet ! J’ai même ma carte de commissaire technique ! ce qui m’a permis d’avoir la chance de chronométrer avec Gilles à St Yan en 1996 et 2000 les épreuves de F5B !

 

Les principales curiosités sont en général sur le terrain : voir tous ces garçons, vêtus comme des bricoleurs : jeans troués et/ou tâchés, baskets ; quelque que soit la profession, tout le monde se côtoie sans timidité, se tutoie, on oublie son rang social et on n’hésite pas à donner un petit coup de main au voisin ; c’est ainsi que j’ai vu un tourneur-fraiseur donner de fins conseils sur le décollage à … un pilote de ligne !

 

Et puis tels de grands enfants (mais ce sont de grands enfants, en fait), l’arrivée d’un modéliste sur le terrain est toujours un événement. Avant même sa descente de voiture, rien qu’en ayant fait le tour du véhicule, les curieux en ont déjà fait l’inventaire !

 

Et puis il y a ce moment où le modéliste s’apprête à assembler son engin : tel un essaim d’abeilles affamées, les curieux accourent et forment une ronde humaine autour du pauvre gars qui tente de monter son modèle ; pure curiosité : comment est installée la platine radio ; qu’a-t-il mis comme servos, et la motorisation ? et les branchements, « y sont fait comment »  ? et la clé d’aile, elle est en quoi ?  ….

 

Au hasard des concours, meetings ou voyages organisés aux DOM, j’ai eu la chance de côtoyer les « grosses têtes » de l’aéromodélisme : Jean Rousseau, Francis Plessier, Christophe Paysant-Le Roux ; saviez-vous que j’ai piloté le skybolt de compétition de Christophe ??? si, si, si et il n’avait même pas peur (enfin presque pas !!) ; je ne vous raconte pas la poussée d’adrénaline et la fierté que j’avais … et puis si vous ne me croyez pas, regardez la photo !!

 

Et puis de fil en aiguille, j’ai voulu m’investir un peu plus dans le milieu associatif ; c’est ainsi que l’on m’a confié la tenue de régies pendant des concours, des meetings.

 

 J’ai été à plusieurs reprises secrétaire de comités directeurs dans différents clubs ;j’ai représenté mon association lors de réunions FFAM, CDAM, de CRAM. J’ai appris beaucoup sur le mot associatif que beaucoup, hélas, ignorent encore … j’ai dû arrêter, à regret, car on oublie trop souvent que cette activité (entre autres), est une sorte d’échappatoire, d’exutoire des soucis de la vie de tous les jours ; entrer dans une salle de réunion de bureau ou arriver sur un terrain de modèles réduits devrait être un apaisement, et non une source de discorde, un lieu de défoulement, de colères, de rancœurs …. on l’oublie bien trop souvent…  A méditer !

 

 

Fin 99 j’ai eu un accident de voiture … immobilisation pendant plus de 7 mois, plus des conflits professionnels et la disparition d’un être cher quelques mois auparavant ; ma première vraie et grande sortie fut au Pyla en juillet 2000, entortillée dans une minerve, aux commandes de mon Ventus de 3.40 m ; j’ai fait un vol de plus d’une heure non stop et encore aujourd’hui, le fait d’en parler me redonne la chair de poule ; j’étais ailleurs :  plus rien n’existait autour ; peines et souffrance physique et morale oubliées pendant ce vol  … j’étais légère, amnésique, calme … bon, plus trop lorsque le pauvVentus a rencontré un autre planeur ….. mais voilà, j’ai pu ressentir, Mesdames, ce que ressentent nos hommes avec leurs machines. 

 

 

Et puis pour en terminer avec mon histoire, si vous avez encore le courage de continuer la lecture, je me suis découvert une autre passion, une autre « activité » à faire sur les terrains : la photo !! Vous n’êtes pas sans ignorer que Gilles est pigiste ; au tout début, j’ai vu arriver le rédac’ en chef, photographe à ses heures et en le regardant, je me suis dit qu’il devait être un peu ….. voire même complètement …. fou ! il avait des postures à se demander s’il prenait l’avion en photos ou le dessous des jupes des filles ! et puis, en le cotoyant, en le regardant faire, en observant ensuite les photos publiées dans la revue, j’ai appris à en faire ; le statique est venu assez vite avec quelques petites astuces,

 

Mais les prises de vue en vol, houalou, il y a eu quelques ratés !! ça paraît simple, mais en développant les premières pellicules, on avait un gros plan de l’empennage, ou un beau ciel bleu … sans rien, ni avion, ni oiseau …. ou alors un semblant d’ovni tournoyant (estimation erronée de la distance), il y a eu de beaux flous artistiques aussi, etc … Je dois dire que j’ai beaucoup appris avec un pro, Laurent Michelet pour ne pas le citer (merci encore, Lolo !!) et puis un jour, il n’a pu être présent pour assurer les photos de l’essai d’un avion, alors il m’a confié entièrement le reportage photo ! depuis, outre le fait que je sois le photographe privilégié de mon pigiste adoré de mari, je fais des photos et sans prétention, je dois dire que je me débrouille pas trop mal et j’adore cela ; dans les temps forts, je « mange » au minimum 2 à 3 pellicules (de 36) à chaque week-end de sortie !!

 

Pour terminer (si, si, promis, c’est la fin) je dirai que l’on peut concilier vacances et week-ends modélistes avec tourisme et tout le monde y trouve son compte : jugez plutôt de notre stratégie, heu, partagée par d’autres aussi !! :  pour le VDP, le programme est ainsi fait : le matin est consacré aux femmes : shopping, balades, visites, repas compris … accompagné de Monsieur (si, si !), et l’après-midi : aux hommes ! il faut dire aussi que cela les arrange … vous n’êtes pas sans ignorer que le matin, les conditions ne sont pas bonnes : vent mal établi, pas dans le bon sens, pas assez fort (vous les avez déjà entendus ces commentaires, non ?).

 

Si vous négociez bien tout cela avec votre homme, vous devriez, comme moi, vous régaler et avoir tous ces plaisirs : être avec lui, le soutenir dans ses démarches, connaître de beaux coins de France, agrandir le cercle de vos connaissances, voir les visages des novices s’illuminer lorsque vous, une femme, leur parlez d’aéromodélisme ou de l’aviation en général …. et, cerise sur le gâteau, voir ce grand gamin s’amuser comme un petit fou !! faites-le au moins une fois, et vous comprendrez !

 

Voilà, Mesdames, je vais m’arrêter là, car notre ami Pierre va être à cours de place pour les autres articles !!

Isabelle DESCROIX

 

 

 

Copyright © 2004 Planet-Soaring.com
No commercial use or publication (e.g. on other www or ftp sites, print media) without a written consent.