Pilotage 4 axes : Passez au volets dynamiques

par Marcel Guwang

Photos et Dessin Bruno Roux et Philippe Bataillé


Depuis quelques temps on entend de plus en plus parler de pilotage 4 axes dans le domaine du planeur. De quoi s’agit-il ? Quels sont les bénéfices que l’on peut en tirer ? Pour quel type de planeurs ? Comment fait-on ? Voilà autant de questions que cet article va tenter d’élucider. Je suis pour ma part un des précurseurs de ce type de pilotage et tous mes amis, qui ont essayé sérieusement, sont aujourd’hui des adeptes convaincus.

En entendant des gens comme Helmut Quabeck parler de 4 axes (Mod mag 03/98) beaucoup d'entre vous doivent se dire que c'est trop technique et qu'il faut être super pilote pour passer au 4 axes. Et bien détrompez vous c'est vraiment à la portée de tous ceux qui pilotent déjà 3 axes. Le gain en plaisir de pilotage et en performance est tel que tout le monde y trouvera son avantage.

Cet article est volontairement un peu technique pour permettre à tous ceux qui voudront s'y mettre d'avoir les réponses à toutes les questions qu'ils pourront se poser.

Historique

Tout a commencé par l’achat d’un champion (le fameux lancé main de Simprop) qui est comme chacun sait un 2 axes. Voyant ce magnifique fuselage et ces ailes à profil très fin (S4083 6.5%), je ne pouvais pas charcuter ce look avec des doubles dièdres. Je voulais donc absolument le modifier en mini F3B avec des ailerons. C’est là que les soucis commencèrent : pas de place pour les servos dans l’aile à cause de l’épaisseur ridicule du profil et de plus la finesse du bord de fuite empêchait de faire des ailerons rigides. La solution fut d’augmenter jusqu’au déraisonnable la corde des ailerons (33%) pour que les ailerons soient suffisamment rigides pour être full span et donc commandés depuis l’intérieur du fuselage. Grâce à la finesse du profil le joint intrados des ailerons restait discret.

Et puis en regardant ce S4083 aminci avec diverses courbures de ces énormes ailerons, ça ressemblait quand même beaucoup à un profil de type Jedelski dont on pouvait actionner la partie arrière. Il me fallait donc essayer avec un servo supplémentaire pour faire aussi la fonction volets. Ca faisait 4 micro-servos dans un fuselage de champion !

En vol c’était magique, les volets avaient une efficacité redoutable, légèrement relevés le champion accélérait énormément et abaissés il ralentissait jusqu'à s’arrêter dans la pompe. Très vite le besoin d’une commande proportionnelle se fit sentir pour remplacer l’interrupteur 3 positions. Le curseur donnait des résultats encourageants mais en vol ce n’était pas pratique car il fallait toujours lâcher le manche. La solution fut donc de mettre cette commande des volets sur le manche des gaz. Alors, ne faisant pas de moteur, j’ai décidé de modifier ma radio, en enlevant le crantage des gaz et en remettant le ressort de rappel au neutre. Ainsi en lâchant mon manche j’avais l’assurance d’être en lisse. Les essais en vol furent époustouflants, j’avais réellement découvert une commande de vol supplémentaire. Très vite les débattements des volets furent augmentés et leur efficacité fut telle qu’il était possible de piloter ce champion uniquement aux volets et sans utiliser la profondeur ( Un essai complet de ce champion est disponible sur Internet: http:/www.mygale.org/06/vdp ).

C’est alors que commença un apprentissage naturel et aujourd’hui, en spirale, je fais la fameuse mayonnaise avec les 2 manches.

Donc voici le mode d’emploi pour doubler le plaisir du vol à voile radio-commandé.
 
 

Type de planeur

Tous les planeurs ne sont pas adaptés au 4 axes. Premièrement il faut absolument que les ailerons soient full span ou qu’il y ait des ailerons et des volets sur tout le bord de fuite.

Ensuite le pourcentage de corde des ailerons joue aussi un rôle important. Plus cette corde est importante plus l’effet sera démonstratif et plus le pilotage 4 axes deviendra intéressant. Aujourd’hui j’utilise des volets de 30 à 33 %.

L’utilisation d’un fuselage à pylône est aussi intéressante car alors tout le bord de fuite peut se baisser sans interruption autour du fuselage. C’est particulièrement visible à très basse vitesse où la portance ne "s’échappe" pas par la partie sans volets autour du fuselage.

Enfin, certains profils s’y prêtent mieux que d’autres mais ce sujet sera développé dans la partie aérodynamique.

Dans le commerce tous les planeurs de type F3B conviennent avec un petit bémol pour ceux équipé d'un RG15 que je trouve peu démonstratif. Parmi les petits planeurs le fuego, le bip-bip, le champion transformé, le tip-top, ou le ridge runt conviennent mais le mini-ellipse, le kiwi, le styx ou l'évasion sont inaptes par manque de full span. Par contre, ayant participé à leur conception, les Minij, Mininch, Aldije et Voltij de la gamme AEROMOD ont réellement été optimisés pour ce pilotage 4 axes. Le Minij permet tout particulièrement un apprentissage facile et rapide du 4 axes car il est très démonstratif tout en ne nécessitant pas obligatoirement d'être piloté en 4 axes.

Pour ceux qui voudraient concevoir eux même leur planeur de type 4 axes je leur conseille des full span à 30% de corde avec un profil dont l'épaisseur maxi est très avant et le bord de fuite effilé tel que les Selig 7003 ou 4083 à 6.5 %.

Modification de la radio

La première chose consiste à modifier la radio. Il faut l’ouvrir, démonter la petite languette de métal qui fait le crantage, regarder sur le manche de la profondeur comment est fixé le ressort de rappel et en mettre un identique sur le manche des volets. Généralement, ce ressort est livré avec les radios neuves.

Si vous faites également du vol moteur, n’hésitez pas à acheter une deuxième radio ca vaut le coup! Non, mais plus sérieusement beaucoup d’entre nous ont déjà 2 radios ce qui permet d’en équiper une en 4 axes pour essayer.

Pour la programmation de la radio il faut donc attribuer les volets sur le manche des gaz et utiliser un mixage de type flaperon pour les 2 ou 4 servos d’ailerons. Cela dit sur tout mes planeurs j’utilise un mixage butterfly, ce qui me permet en plus d’utiliser un mixage profondeur vers volets et des aérofreins.

Le mixage profondeur vers volets permet d’obtenir le fameux effet rebond dans les virages serrés. Il permet aussi d'améliorer des figures telles que le looping carré ou inverse. Ainsi dans ces phases rapides on n’est pas obligé de piloter les volets, le mixage faisant mieux que nous. En effet un planeur adapté au 4 axes sera aussi très efficace avec ce mixage.

Je déconseille par contre tout mixage de compensation volet vers profondeur, car celui-ci masque les réactions du planeur et on peut se trouver dans des situations de manches croisés sans s'en apercevoir. Ce mixage s'apparente à un mixage ailerons vers dérive qui n'est pas non plus le mieux pour faire du 3 axes.

Pour les aérofreins il y a diverses solutions disponibles, et j’en conviens aucune n’est parfaite. Voici des exemples avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Pour un planeur avec 2 servos d’ailerons :
 


La situation est assez simple : on veut lever beaucoup les volets pour qu’ils fassent aérofreins.

Donc on programme beaucoup plus de course vers le haut que vers le bas, ce qui permet en poussant à fond de sortir les aérofreins. Malheureusement on perd ainsi la sensibilité des volets en négatif. On peut alors, si la radio le permet mettre du dual-rate que l’on déconnecte que pour l’atterrissage, mettre de l’exponentiel ou programmer un interrupteur de bout de course qui sort les aérofreins à fond uniquement quand le manche est en bout de course. Ces solutions dépendent de la radio mais marchent assez bien sur un petit planeur avec 2 ailerons seulement.
 
 
 
 
 
 

Pour un planeur avec 3 ou 4 servos d’ailerons :
 
 


Dans ce cas ça se complique parce que l’on veut d’une part tous les volets qui vont dans le même sens et d’autre part les sortir en opposé pour faire crocodile. Voici les solutions envisageables :


 
 

Si on ne peut vraiment pas se passer du crantage, on peut toujours se mettre au "3 axes et demi" en mettant les volets sur le manche des gaz cranté. Il faut alors régler les volets de sorte qu'ils soient en lisse avec le manche des gaz à fond vers l'avant. Ainsi on pourra piloter les volets en positif tout en gardant une référence lisse qui est la butée avant.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pilotage

L'apprentissage du 4 axes s'apparente un peu à celui du 3 axes. Au début on est pas obligé de s'en servir mais avec le temps on y prend goût et les performances s'améliorent. Tout comme l'effet de la dérive, l'effet du 4 axes est plus ou moins démonstratif selon les planeurs. Voici donc l'explication de ce fameux effet.

En tirant sur le manche, les volets s'abaissent ce qui provoque une augmentation de portance ainsi qu'en quelque sorte une augmentation de l'incidence de l'aile (BA => BDF): le planeur se met donc à cabrer tout comme pour une profondeur. C'est particulièrement sensible en vol rapide. Une fois ralenti on remarque alors qu'en continuant à tirer sur le manche le planeur ne décroche pas comme pour une profondeur mais peut se ralentir sensiblement plus. Et c'est là l'intérêt principal du 4 axes on augmente la plage de vitesse de son planeur.

A l'inverse en poussant sur le manche, les volets se lèvent ce qui réduit voire inverse la courbure du profil et qui diminue l'incidence de l'aile: le planeur pique. En dosant finement les volets en négatif on arrive à annuler le creux du profil ce qui permet sur certains planeurs une augmentation de la vitesse max.

Certains planeurs ne réagissent pas comme ça dû à une trop faible corde de volets et/ou dû à leur profil ce qui les rend difficiles à utiliser en 4 axes (Exemple: un Lotus au profil HN1033 équipé en 4 axes). Dans ces cas il vaut mieux trouver un autre planeur pour se mettre au 4 axes.

Finalement les volets deviennent un peu comme une seconde profondeur et se pilotent d'ailleurs aussi finement qu'une profondeur. La différence est qu'on agit plus directement et plus efficacement sur la vitesse et le taux de chute qu'avec une profondeur seule.

Une fois ces réactions du planeur intégrées on peut les utiliser dans les ascendances. Il s'agit alors de ralentir le planeur dans la pompe pour en profiter le plus longtemps possible. En pratique on arrive vite à la constatation que plus un thermique est puissant plus on tire sur les volets. Du coup, certains thermiques serrés et avec beaucoup de vent de face deviennent exploitables car on n'est pas obligé de spiraler. Ce qui n'empêche pas d'utiliser également les volets en spirale pour diminuer le rayon de celle-ci. On arrive ainsi, selon les conditions à monter jusqu'à 2 fois plus vite que le même planeur sans volets. C'est très gratifiant.

L'arrondi lors de l'atterrissage est aussi un régal si il est piloté aux volets car on profite en plus de l'effet de sol. On arrive ainsi à poser même un planeur de vitesse de type F3F quasiment à l'arrêt.

L'autre domaine du pilotage 4 axes est le vol rapide et acrobatique. Avec le mixage profondeur vers volets on peut augmenter sensiblement les facteurs de charges dans les figures sans que le planeur ne déclenche. Le loopings carrés sont alors vraiment carrés et les renversements démarrent et finissent à angle droit. En vol dos on pousse plutôt sur les volets que sur la profondeur ce qui adapte le profil au vol inversé et permet d'augmenter énormément la plage d'utilisation. Des virages et des loopings serrés en vol dos sont alors possible et les loopings inversés deviennent possible sur des planeurs qui habituellement les refusent. Avec des petits planeur on arrive très vite à un pilotage de type fun-fly. Le planeur se contente alors d'un espace très restreint et peut s'arrêter n'importe où face au vent, à l'endroit comme à l'envers.

Aérodynamique

Toutes ces constatations sont le fruit de nombreux essais de profils, de cordes et de débattements que nous avons effectués avec Aeromod lors de la conception des Aldijes et des Minijs. Ces essais ont toujours été effectués par comparaison directe en vol avec un seul paramètre qui évolue à la fois. Ces résultats étant éminemment pratiques je me suis alors intéressé à la théorie en utilisant une soufflerie numérique. Et effectivement on arrive à des corrélations intéressantes.

De nombreux essais ont montré que plus on augmentait la corde, jusqu'à 33%, plus l'efficacité augmentait. Grosso modo, le débattement en millimètres d'un volet donne une certaine efficacité. Avec une corde plus importante on obtient ce même débattement avec moins de degrés de déflexion, ce qui permet alors de réduire la traînée engendrée par l'action de la gouverne. On peut donc utiliser ces gouvernes en continu sans pertes aérodynamiques importantes. Ce qui est vrai pour les volets et bien sûr également vrai pour les ailerons qui permettent alors de commander le roulis avec moins de traînée. Nous avons remarqué que les profils qui se prêtent le mieux au 4 axes sont les profils dont l'épaisseur maxi est très en avant et dont le bord de fuite est effilé.

Pour étayer cette constatation et comme exemple, nous allons comparer point par point le RG15 qui est un profil universellement utilisé mais malheureusement peu adapté au 4 axes avec le Selig 7003 qui lui est très démonstratif. Ces 2 profils ont des épaisseurs et des courbures très proches ce qui autorise à les comparer.
 
Profil RG15 Selig 7003  
Epaisseur relative 8.93 % 8.49 % épaisseur relative très proche
Flèche 1.77 % 1.5 % flèche très proche
Epaisseur maximale 34.90 % 24.36 % l'épaisseur relative max est 10 %

plus avant !

Nous voyons donc que la différence principale est l'épaisseur relative max qui est 10 % plus en avant sur le 7003.

En ce qui concerne le bord de fuite regardons leur superposition:

Effectivement la partie arrière est beaucoup plus effilée sur le 7003 ce qui permet de faire des volets de corde plus importante sans être limité par leur épaisseur.

 

Le SD4085 aminci a 6.5% est encore plus représentatif de ce type de profils, avec un bord de fuite très effilé et une épaisseur maxi située à 22,5% de la corde.

 

Poursuivons maintenant notre exemple avec les polaires de ces 2 profils avec différents angles de volets. Volets à 30% pour le Selig et volets à 22% pour le RG15 tels qu'on les trouvent sur les planeurs de F3B. Nous allons ainsi voir l'avantage de piloter en 4 axes surtout avec un profil comme le SD7003.

Sur ces polaires on voit la polaire en lisse qui apparaît en plus bleu foncé et en épais. C'est le domaine de vol dont on dispose en lisse. Toutes les autres polaires en bleu fin correspondent à différent angles de volets. Ce qui veut dire concrètement, qu'après apprentissage on saura piloter 4 axes de sorte à toujours se trouver dans une zone ou la polaire est meilleure qu'en lisse. Quelqu'un qui utiliserait parfaitement les volets en dynamique et dans toutes les configurations de vol pourrait prétendre à une polaire équivalente à celle en rouge pointillée. Donc on voit bien qu'en pilotant 4 axes on dispose d'un planeur qui a un profil équivalent nettement meilleur que tout ce qui existe en lisse par ailleurs.
 
 
 
 

Regardons maintenant les polaires du RG15:

Ce profil est l'un des plus polyvalent qui existe en lisse. Il a été soigneusement optimisé sur toute sa polaire lisse (bleu foncé). Mais ceci a été au détriment de ses performances en volets. On voit d'ailleurs que les polaires volets sortis sont beaucoup plus hachées que pour le 7003. On constate toujours un gain a piloter 4 axes (polaire rouge) mais il est moins important. Le Cz max ne varie que de 1.09 en lisse à 1.36 avec 10° de volets contre 1.09 à 1.56 pour le SD7003. Ceci confirme l'effet volet moins démonstratif du RG15 en vol.
 
  Je suis certain qu'il existe encore beaucoup d'autre profils répondant à ces deux critères et donc adaptés au 4 axes. Mon espoir est que les aérodynamiciens s'y mettent et nous sortent des profils optimisés pour.

En collaboration avec Aeromod, j'ai ainsi développé un profil symétrique pour la voltige planeur 4 axes. Il est aujourd'hui en production sur le Voltij qui répond au-delà de nos espoirs à son cahier des charges. Grâce aux volets, il est capable des mêmes performances en vol normal qu'en vol inversé. C'est à ma connaissance le seul planeur capable de passer un looping inversé carré parfaitement droit sans avoir besoin d'une vitesse excessive. Néanmoins en utilisant les volets il devient gratteur comme par exemple un mini-ellipse, et ceci à l'endroit comme sur le dos! Mes talents de pilotage acrobatiques étant limités, j'espère qu'un jour quelqu'un arrivera à écrire les lettres de noblesse de cette nouvelle catégorie que serait la voltige planeur 4 axes. ( F4A ?)
 


Conclusion

Depuis deux ans que je pratique le 4 axes, mon parc de planeurs a évolué et aujourd'hui tous mes planeurs sont spécifiquement adaptés à ce type de pilotage. Le plaisir de pilotage a doublé et aujourd'hui je vole dans des conditions qui avant auraient été trop limites. Aussi bien dans des petites conditions où les 4 axes permettent d'exploiter plus facilement l'aerologie que dans des grosses conditions car mes planeurs spécifiquement 4 axes sont devenus plus fins et plus rapides sans devenir des pièges.

J'espère sincèrement que cet article donnera envie à certains d'entre nous d'essayer. Pour toutes les questions qui restent, vous pouvez me joindre par e-mail à vdp@mygale.org



 
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